Jacques Robinet était un souffrant dans des mondes que le besoin d’avoir des frères lui a fait quitter. Le huis clos familial, la prêtrise, la psychanalyse, les affairements mondains : une traversée des apparences pour aller vers l’essentiel, vers l’Unique avec la littérature et la poésie pour véhicule et pour guide. Sans oublier les épreuves tumultueuses d’une foi vécue au plus près de l’Évangile. Ce noeud de souffrance où se mêlaient, en un combat agonistique, les vertus du ciel et les plaisirs de la terre et de la chair, Jacques Robinet a voulu par ses écrits nous en faire don. Un legs plus grand et bien plus réconfortant que tout se qui se passe et se joue dans un cabinet de psychanalyste ou le secret d’un confessionnal. L’écriture pour rédimer, pour transvaluer et partager les déchirements dont la destinée avait crucifié son cœur.
Le troisième livre de Notes qui vient de paraître aux éditions de La Coopérative sous le titre La nuit des sources est, comme toute son œuvre autobiographique, à la fois une oblation et un cordial. Dans ces notes, regroupées en deux parties au fil des saisons : “L’Ombre s’éclaire” (printemps-été) et “Soleil d’hiver” (automne-hiver), on suit une interrogation poignante sur le Mal, le malheur, la maladie – ici le cancer contre lequel il luttait depuis des années – et l’imprescriptible et obstinée permanence de l’Espérance, nourrie de l’émerveillement face à la splendeur du monde, la beauté et la paix de la campagne qui environnent Ondreville, le lieu de ses derniers jours.
Jacques Robinet nous a quitté le 29 juin 2024, il nous laisse une œuvre à nulle autre pareille. Pas seulement par les qualités d’une admirable écriture mais parce qu’elle nous aide. Sans élever la voix, sans jamais donner de conseils, dans une écoute attentive et un constant respect de l’autre, sans tomber dans un relativisme délétère, il nous apporte un baume où chacun peut se retrouver et puiser ce qui lui convient.
À la pensée que quelqu’un, au lieu de la subir, a pleinement porté sa vie, le désespoir s’éclaire, on dirait qu’il s’illumine pour nous faire signe, venir entretenir avec lui le plus pressant dialogue – et peut-être trouver aux sources de la parole, un Inconnaissable dont ne nous approche que le silence du cœur. Rien ne me paraît plus exaltant que de connaître ceux qui ont su effleurer les plus dangereux mystères de l’homme. Tel était Jacques Robinet, un homme qui savait que les mots engagent – le poids profondément humain et bienfaisant des siens nous manque. Tristesse.
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Jacques Robinet est né le 23 août 1937 à Neuilly sur Seine, de père français et de mère espagnole. Il a fait ses études au Lycée français de Madrid. Ordonné prêtre catholique à Noël 1964, il obtient sa licence de théologie en juin 1965. Il noue au cours de sa vie de séminariste puis de prêtre une relation d’amitié avec quelques grands écrivains catholiques comme Julien Green, François Mauriac ou Jacques Maritain, auxquels il rend visite régulièrement et qui le confortent dans sa vocation littéraire. Il abandonne le sacerdoce et rentre en 1972 en formation à l’Ecole Française de Psychanalyse. Françoise Dolto est la figure tutélaire qui l’accompagne jusqu’à son entrée dans la pratique. Tout en continuant à écrire, Jacques Robinet a poursuivi son activité de psychanalyste jusqu’au milieu de l’année 2020. Il a publié de nombreux recueils de poèmes. La Nuit des sources est son cinquième livre aux éditions de La Coopérative. Le dernier volume de ses Notes (années 2023 et 2024) paraîtra en 2025.
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Jacques Robinet a publié aux éditions de La Coopérative :
Un si grand silence, récit (2018)
La Monnaie des jours (2019)
Notes de l’heure offerte (2021)
L’Attente (2023)
Chez d’autres éditeurs :
Veille le silence
Éditions Saint-Germain-des-Prés, 1984
Miroir d’ombres (illustrations de Renaud Allirand, 2000)
Traces (illustrations de Renaud Allirand, 2013)
Frontières de sable (encres de Renaud Allirand, préface de Bernard Sesé)
Éditions La Tête à l’envers, 2013
Feux nomades (encres de Renaud Allirand)
Éditions La Tête à l’envers, 2015
Neiges (revue numérique Ce qui reste, 2017)
Lumières d’avril (revue numérique Terre à ciel, 2017)
La Nuit réconciliée (gravures de Renaud Allirand, préface de Gérard Bocholier)
Éditions La Tête à l’envers, 2018
Brèches
Éditions L’Ail des Ours, 2020
Ce qui insiste
Les Lieux dits, 2022
Clartés du soir
Éditions Unicité, 2022
L’herbe entre les pierres
Éditions Unicité, 2024
Le vent souffle où il veut
Éditions Unicité, 2024
La nuit des sources (notes des années 2021 et 2022) de Jacques Robinet, éditions de La Coopérative, en librairie depuis le 18 octobre 2024 (22€). LRSP (livre reçu en service de presse).
Illustrations : (en médaillon) Photographie de Jacques Robinet – dans le billet : éditions de La Coopérative.
Vous n’auriez jamais lu ce livre si vous n’aviez connu l’auteur !