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J’ai dialogué avec un agent conversationnel

Patrick Corneau

Bambine, écrit par Alice Ceresa, est un roman captivant qui explore les thèmes de l’enfance, de la famille et de la perte. Le style de l’auteur est fluide et poétique, créant une atmosphère immersive qui transporte le lecteur dans les souvenirs et les émotions des personnages.
L’histoire suit Bambine, une jeune fille qui vit dans un petit village en Italie, alors qu’elle se rappelle les moments importants de sa vie avec sa famille et ses amis. Le récit est raconté à travers les yeux de Bambine, donnant au lecteur un aperçu intime de ses pensées et de ses sentiments. Les personnages secondaires sont également bien développés et apportent une profondeur supplémentaire à l’histoire.
L’auteur utilise des descriptions détaillées pour peindre les paysages et les scènes de la vie quotidienne dans le village, créant une ambiance réaliste et transportant le lecteur dans un autre monde. Les thèmes de la famille et de la perte sont abordés de manière émouvante et touchante, suscitant de la compréhension et de l’empathie chez le lecteur.
En résumé, Bambine est un roman émouvant et bien écrit qui explore les thèmes de l’enfance, de la famille et de la perte. L’auteur utilise un style fluide et poétique pour créer une atmosphère immersive et les personnages sont bien développés. Je recommande vivement ce livre à tous les amateurs de fiction familiale.

La fadeur de cette recension vous saute au yeux si je puis risquer cette médiocre image, elle a été générée par ChatGPT à partir de la requête : « Écris-moi* une critique littéraire de BAMBINE d’Alice Ceresa ».
Un peu surpris par la promptitude de la réponse, de la relative (et suspecte) précision du fameux chatbot, je lance une question sur l’auteure :
Qui est Alice Ceresa ?
– Je suis désolé, mais je n’ai pas de connaissance spécifique sur une personne nommée Alice Ceresa, ni sur son œuvre littéraire. Il se peut qu’elle ne soit pas une écrivaine publiée ou reconnue, ou qu’elle soit active dans un domaine autre que la littérature. Il est possible que vous vous soyez trompé de nom ou que je n’ai pas été formé sur cette personne en particulier. Si vous avez plus d’informations sur Alice Ceresa, je serais heureux de vous aider à en savoir plus sur elle.

Alice Ceresa inconnue au bataillon… en dépit de la première réponse ad hoc. Et, un comble, je suis invité à informer l’informateur sur le profil de l’écrivaine… Je soumets la même question en la formulant de manière plus précise :
Écris-moi une critique littéraire du roman BAMBINE (Einaudi, 1990, Prix Schiller) de l’écrivaine suisse Alice Ceresa (1923-2001).
– Je suis désolé, mais je n’ai pas de connaissance spécifique sur un livre intitulé « Bambine » de l’écrivaine suisse Alice Ceresa. Il est possible que ce livre n’existe pas ou qu’il soit écrit par un auteur différent ou une auteure différente, ou qu’il n’a jamais été publié avec le prix Schiller. Il est également possible que je n’ai pas été formé sur cette œuvre en particulier. Je n’ai pas non plus de connaissance sur un écrivain suisse nommé Alice Ceresa, ni sur un prix littéraire nommé Schiller. Il est possible que cette information soit erronée ou qu’elle ait été mal interprétée. Il est important de vérifier les informations fournies pour éviter les confusion.

Déçu et me sentant un peu roulé dans la farine numérique, je réagis :
Pourtant tu viens de me dire : « Bambine, écrit par Alice Ceresa, est un roman captivant qui explore les thèmes de l’enfance, de la famille et de la perte. Le style de l’auteur est fluide et poétique, créant une atmosphère immersive qui transporte le lecteur dans les souvenirs et les émotions des personnages. » Tu sembles donc avoir connaissance de ce roman.
– Je suis désolé, j’ai mal compris ta question précédente. Je n’ai pas de connaissance spécifique sur un roman intitulé « Bambine » écrit par l’écrivaine suisse Alice Ceresa, ni sur cette auteur et sur un prix littéraire nommé Schiller. Je n’ai pas non plus été informé sur l’existence de ce livre, ni sur sa réception critique. Je m’excuse pour la confusion causée par mes réponses précédentes.

Le chatbot s’est prononcé un peu trop vite, il le reconnaît, il est capable de faire amende honorable – serait-il humble ? Voyons un peu ce que la bête a dans le ventre…
Comment ChatGPT fait-il pour écrire la critique littéraire d’un livre ?
– Comme ChatGPT est un modèle de traitement automatique du langage développé par OpenAI, il est capable d’écrire des critiques littéraires de livres en utilisant les informations qu’il a été formé à partir de textes. Il a été entraîné sur une grande quantité de textes, y compris des critiques littéraires, afin de comprendre les conventions de ce genre de rédaction.
Lorsqu’on lui demande de rédiger une critique littéraire, il utilise ses connaissances sur les conventions de ce genre de textes pour générer un texte qui respecte ces conventions. Il peut utiliser les informations qu’il a apprises pour identifier les thèmes, les personnages, les éléments de style et les points forts ou les faiblesses d’un livre. Il utilise également les informations contextuelles fournies pour écrire une critique qui est pertinente pour le livre en question.
Il est important de noter que, même si ChatGPT a été entraîné sur une grande quantité de textes, il ne l’a pas lu tous les livres existants, donc il ne peut pas donner une critique sur un livre qu’il n’a pas lu. Il utilise ses connaissances générales sur les conventions du genre pour rédiger une critique, mais il ne peut pas donner une opinion personnelle sur un livre en particulier. Il est également important de rappeler que les critiques générées par ChatGPT sont basées sur les informations qu’il a été formé et ne reflètent pas nécessairement les opinions de l’équipe OpenAI.

La réponse est on ne peut plus lisse, prudente, circonstanciée et consensuelle – on ne peut plus pédagogiquement correcte, on ne peut plus Wikipediatoïde – même un premier de la classe en 3e de collège n’arriverait pas à être aussi ennuyeusement bavard…
Énervons un peu la bête :
Pourquoi les critiques littéraires fabriquées par ChatGPT sont-elles ennuyeuses et insipides ?
– Je suis désolé si les critiques littéraires générées par ChatGPT ne répondent pas à vos attentes. Il est vrai que les modèles de traitement automatique du langage, comme ChatGPT, ont des limites et ne peuvent pas toujours générer des critiques avec la même profondeur d’analyse et la même finesse que celles rédigées par des critiques littéraires humains.
Les modèles de traitement automatique du langage sont formés à partir de textes existants, ils ne possèdent pas de réelles connaissances sur les livres et ne peuvent pas avoir une expérience personnelle avec eux. Ils peuvent utiliser les informations qu’ils ont apprises pour identifier les thèmes, les personnages, les éléments de style et les points forts ou les faiblesses d’un livre, mais ils ne peuvent pas apporter la même subjectivité ou la même interprétation qu’un critique littéraire humain.
Il est également important de noter que les modèles de traitement automatique du langage, comme ChatGPT, peuvent être affectés par les biases
(sic) [les biais, les préjugés ?] existants dans les données d’entraînement, ce qui peut influencer les critiques générées.
En résumé, les critiques littéraires générées par ChatGPT peuvent être utiles pour donner une idée générale des thèmes, des personnages et des éléments de style d’un livre, mais elles ne peuvent pas remplacer les critiques rédigées par des critiques littéraires humains qui apportent une analyse personnelle et une interprétation profonde de l’œuvre.

Profil bas… le chatbot peut botter en touche. Il sait rester à sa place. C’est un expert du « en même temps » et de la réponse en mode « disque rayé ». On a l’impression qu’il adore parler de lui et s’écouter parler – un rien vaniteux ? Il a le résumé facile : on enfonce le clou, ça mange pas de pain.
Revenons à du basique, à des textes dont la valeur littéraire est reconnue :
Que penses-tu du roman Madame Bovary de Flaubert ?
Madame Bovary de Gustave Flaubert est considéré comme un chef-d’œuvre de la littérature française. Il raconte l’histoire d’Emma Bovary, une femme qui s’ennuie dans sa vie de province et qui cherche à s’évader en ayant des aventures extra-conjugales. Le roman est connu pour sa précision psychologique et sa description minutieuse de la vie quotidienne de l’époque. Il a également été salué pour sa critique sociale de la bourgeoisie et de ses valeurs. En résumé, Madame Bovary est un roman complexe et profond qui a une grande influence sur la littérature moderne.

Voilà. C’est le niveau d’une fiche de lecture bâclée par un tire-au-flanc au fond d’une classe de seconde… limite foutage-de-gueule comme aimait à dire un ancien collègue professeur. N’empêche, dans les salles des profs on s’inquiète…
CQFD. Comme on disait dans les années 80 c’est du « WYSIWYG » ou plutôt « WYSIWYM » : « What you see is what you mean », « Ce que vous voyez est ce que vous voulez dire » et rien de plus… Vous espériez de la pensée ? De la créativité ? Nenni, pas une once, Heidegger l’a dit abruptement : « Die Wissenschaft denkt nicht » (« La science ne pense pas »). Refermons ce robinet d’eau tiède.
Je conçois que pour quelqu’un qui pratique la critique d’admiration, qui n’écrit que pour sauver l’épiphanie d’un bonheur de lecture, confier cette mission à un robot est proprement absurde – un robot n’admire rien, il constate pléonastiquement ce que vous avez enfourné dans sa base de données (jusqu’en 2021 pour ChatGPT). Encore faut-il décevoir tous les ravis de la crèche numérique qui s’extasient devant les promesses d’une prétendue intelligence artificielle, laquelle jonglant avec des algorithmes statistiques sur des éléments langagiers** est très absolument dénuée de la moindre sensibilité littéraire, artistique, etc. L’intelligence « émotionnelle » si en vogue dans les officines de développement personnel, côté IA ce n’est ni pour demain, ni pour après-demain – Qu’à Dieu grâces soient rendues, Bill Gates rien n’y pourra ! On me dira que les critiques à l’égard de l’automatisme, de la pensée « mécanique » ne sont que des naïvetés aptes à alimenter l’ironie des esprits forts. Oui, sans doute, mais le sensationnalisme des médias et la corrélative crédulité du public rendent nécessaires quelques mises au point (voir celle de Laurence Plazenet ci-dessous). La faillite, véritable et irréversible, viendra de l’inactivité de nos cerveaux, de leur désœuvrement puisque nous transférons progressivement les actions les plus élémentaires (compter, mémoriser) vers nos smartphones et autres appendices, faisant de notre esprit, pas même une jachère mais une friche qui, plongée à longueur de jours dans la stupeur de l’écran global, ne sera plus que vaguement animée par quelques sudokus…

Il ressort de ce détour par la raison calculante que l’aperçu chatbotique de Bambine (à supposer qu’il existât véritablement) n’a rien à voir de près ou de loin avec le stupéfiant texte d’Alice Ceresa (« un peu malicieux, un peu malfaisant » disait Giorgio Manganelli) paru pour la première fois en français sous le titre Scènes d’intérieur avec fillettes (chez Zoé en 1993).
Je reviendrai sur cette réédition (dans une traduction révisée) que viennent de faire paraître les éditions de La Baconnière avec mes modestes – et pleinement humains – moyens critiques…

* Dans le monde de l’IA, de l’intelligence artificielle, on se tutoie – Anything goes, l’ambiance est friendly, cool, sympa…
** Dans le domaine connexe de l’intelligence collective, les travaux de Pierre Lévy ont permis de belles avancées avec l’élaboration d’un langage artificiel dont la structure est maintenant proche de celle des langues naturelles.

Á Lire : « Pourquoi ChatGPT est complètement idiot » FIGAROVOX/TRIBUNE – Pour Laurence Plazenet, l’enthousiasme suscité par ce nouvel outil conversationnel établi à partir d’une intelligence artificielle n’a pas lieu d’être. ChatGPT reste incapable de penser, et c’est nous qui nous transformons en robots, affirme la professeure de littérature.

Illustrations : (en médaillon) Image origine internet – ©OpenAI / Éditions de La Baconnière.

Prochain billet bientôt se Deus quiser.

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Patrick Corneau