
Suite et fin de ces aphorismes formant une cartographie kaléidoscopique (non close) de la littérature.
Question subsidiaire : et vous, votre amour de la littérature compense, refoule, justifie, remplace, représente quoi ?
Laurens (Camille) épouse la littérature en se demandant si elle existe encore.
Lawrence (Edward Lawrence) brûle la littérature au feu de la pulsion.
Lévinas (Emmanuel) effleure la littérature au seuil du visage d’autrui.
Lispector (Clarice) fait fondre la littérature dans l’acide de l’introspection.
Lispector (Pedro) interroge la littérature comme une disparition mimée.
Lopez (Barry) fait de la littérature un acte de cartographie sensible.
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Mann (Thomas) traite la littérature comme un conservatoire de la gravité bourgeoise.
Mabanckou (Alain) fait danser la littérature sur le fil du verbe.
Makine (Andreï) recouvre la littérature d’un silence venu du froid.
Malraux juge que tout ce qui n’est pas littérature est pire qu’elle.
Manganelli (Giorgio) trouve que la littérature n’est que recherche d’ombre.
McCarthy (Cormac) creuse la littérature dans les paysages de l’apocalypse.
Melville (Herman) harponne la littérature avec une baleine blanche.
Meruane (Lina) enfonce la littérature dans l’œil blessé du regard.
Miano (Léonora) offre la littérature comme espace de réparation historique.
Michaux (Henri) se fout de la littérature.
Mishima (Yukio) découpe la littérature au sabre rituel.
Modiano (Patrick) perd la littérature dans des souvenirs de trottoirs mouillés.
Montherlant [de] (Henry) brandit la littérature comme une épée contre la médiocrité.
Morrison (Toni) invente une langue pour les morts restés sans sépulture.
Moore (Lorrie) plie la littérature dans une ironie douce-amère.
Mréjen (Valérie) glisse la littérature dans les interstices du banal.
Mukasonga (Scholastique) redonne à la littérature ses morts sans tombe.
Munro (Alice) condense la littérature dans l’épaisseur du quotidien.
Murata (Sayaka) fait de la littérature un mode d’emploi pour les inadapté·es.
Murdoch (Iris) confond la littérature et la morale dans un théâtre d’idées.
Musil (Robert) analyse la littérature jusqu’à l’extinction de sa propre phrase.
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Nabokov (Vladimir) transforme la littérature en chasse aux papillons syntaxiques.
Naipaul (Vidiadhar Surajprasad) règle ses comptes avec la littérature post-coloniale.
Ndiaye (Marie) décolle la littérature de la surface jusqu’à l’inquiétude.
Nelson (Maggie) fond la littérature dans les marges du genre et de la pensée.
Nietzsche (Friedrich) transforme la littérature en coup de fouet métaphysique.
Nobécourt (Laurence) embrase la littérature jusqu’à la brûlure mystique.
Nothomb (Amélie) dévore la littérature avec l’appétit d’un ogre raffiné.
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Obaldia (René de) ridiculise la littérature pour mieux l’embrasser.
Orwell (George) utilise la littérature comme alarme politique.
Ovaldé (Véronique) joue avec la littérature comme une enfant dégourdie dans un grenier trop grand.
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Pavese (Cesare) s’épuise dans la littérature avant de dire adieu.
Paz (Octavio) soutient que la littérature moderne se doit d’être critique.
Perec (Georges) joue avec la littérature comme avec un jeu de construction.
Perros (Georges) décrète que la littérature n’a aucun avenir.
Pessoa (Fernando) se démultiplie dans la littérature jusqu’à ne plus exister.
Piglia (Ricardo) cache la littérature dans l’interstice entre fiction et critique.
Poe (Edgar Allan) enterre la littérature vivante, puis écoute si elle gratte.
Proust (Marcel) prétexte la littérature pour ne plus voir personne.
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Queneau (Raymond) prend la littérature pour une occupation d’oisifs.
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Rankine (Ian) injecte la littérature dans le corps racialisé.
Redonnet (Marie) épure la littérature jusqu’à l’os de l’énigme.
Rilke (Rainer Maria) confie à la littérature la tâche de parler aux anges.
Rimbaud (Arthur) quitte la littérature pour écouler des fusils.
Robbe-Grillet (Alain) conspue la littérature.
Rooney (Sally) transforme la littérature en conversation millimétrée.
Roth (Philip Milton) traite la littérature comme une névrose sous microscope.
Roussel (Raymond) voit dans la littérature un rébus irrésolu.
Roy (Arundhati) insurge la littérature contre l’ordre du monde.
Ruefle (Mary) égare la littérature dans la neige mentale des images.
Rushdie (Salman) envoie la littérature valser entre les bombes et les mythes.
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Saadawi (Nawal El) exhume la littérature des interdits du corps.
Saer (Juan José) ralentit la littérature jusqu’à la réinvention du réel.
Sainte-Beuve (Charles-Augustin) profite de la littérature pour fusiller les autres.
Saramago (José) supprime la ponctuation pour que la littérature respire autrement.
Sartre (Jean-Paul) trouve que si la littérature n’est pas tout, elle ne vaut pas une heure de peine. Attablé à Strasbourg devant une choucroute mâchée sans appétit, s’écrie devan le Castor : « La littérature, c’est de la merde ! »
Schopenhauer (Arthur) tolère la littérature à condition qu’elle ne fasse pas de bruit.
Schweblin (Samanta) met la littérature en cage — et la regarde se débattre.
Sebald (Winfried Georg) laisse la littérature errer dans les ruines de la mémoire.
Simon (Claude) pense que la littérature n’a d’autre sujet qu’elle-même.
Sjón (Sigurjón Birgir Sigurðsson) miniaturise la littérature dans des mythes d’Islande.
Smith (Zadie) fait de la littérature un miroir brisé de l’identité.
Smith (Sally) joue avec la littérature comme avec les saisons.
Sollers (Philippe) transforme la littérature en feu d’artifice théorique.
Sorokin (Vladimir) congèle la littérature dans une farce totalitaire.
Stein (Gertrude) avance que les Français n’ont aucune disposition pour la littérature.
Stendhal (Henri Beyle) répare par la littérature ses malheurs en amour.
Sternberg (Jacques) n’aime pas la littérature.
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Tagore (Rabindranath) élève la littérature à la hauteur d’un chant cosmique.
Tanizaki (Jun’ichirō) tatoue la littérature sur des corps dissimulés.
Tawada (Yōko) déporte la littérature d’une langue à l’autre comme une métamorphose.
Tchekhov (Anton) écrit de la littérature comme on ausculte une toux persistante.
Tokarczuk (Olga) ouvre la littérature comme un atlas organique.
Tolstoï (Léon) finit par préférer aux romans la marche pieds nus vers Dieu.
Tsvetaïeva (Marina) pleure la littérature dans un souffle orphique.
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Updike (John) lustre la littérature jusqu’à ce qu’elle reflète la banlieue américaine.
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Vaché (Jacques) tourne le dos à la littérature avant même d’y être entré.
Vian (Boris) arrête la littérature car elle ne sert à rien.
Vigan [Le] (Delphine) camoufle la littérature sous une autobiographie contorsionnée.
Vila-Matas (Enrique) prétend que l’échec et la littérature ont partie liée.
Vollmann (William T.) charge la littérature de tous les poids du monde jusqu’à l’effondrement.
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Walker (Alice) insuffle à la littérature la résistance des silences brisés.
Walser (Robert) s’excuse d’avoir trop aimé la littérature.
Whitman (Walt) fait de la littérature un chant large comme la nation.
Wittgenstein (Ludwig) se méfie de la littérature comme d’un trop-plein de mots.
Woolf (Virginia) dissout la littérature dans un flux de conscience et d’eau salée.
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Yourcenar (Marguerite) transforme la littérature en mausolée de marbre.
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Zamiatine (Ievgueni) enserre la littérature dans les griffes de l’utopie brisée.
Zeniter (Alice) remet la littérature en mouvement dans les plis de la transmission.
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Illustrations : (en médaillon) Marilyn Monroe photographiée par Eve Arnold, Long Island, New York, 1955.
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