L’été, la saison qui s’écrit au passé.
L’eau du lac est indifférente à sa source.
Il ne parvenait à se souvenir d’aucune chose à moins qu’il ne l’ait oubliée.
Je commence à peine à l’apprendre, mais on partage mieux avec les absents qu’avec les présents.
Si tu me quittes, est-ce que je peux partir avec toi ?
A deux on se tait mieux.
À Paris tout commence et se termine à une table de café.
Toute l’histoire de la philosophie occidentale résumée dans cette formule d’Eric Weil : « Ce qui se donne immédiatement n’est pas réel. »
Si les sons se perdent dans le silence, dans quoi se perd le silence ?
Le poids des réponses ne rend pas la question plus profonde.
Ringard : mot-écran dans la bouche de celui qui n’est jamais en retard, toujours à la bonne place, dans le dernier train ; autant dire un obsessionnel de la mode dont il est le bourgeois gentilhomme.
« Le renard sait beaucoup de choses, mais le hérisson sait une grande chose. » (Archiloque)
Isaiah Berlin se sert de cet aphorisme pour opérer une distinction fondamentale entre les êtres humains fascinés par l’infinie variété des choses, qui poursuivent plusieurs fins, souvent sans aucun rapport entre elles, voire contradictoires (les “renards”) et ceux qui relient tout à un système central et englobant, plus ou moins exprimé et cohérent (les “hérissons”).
Selfie(s) : tellement d’images de visages et si peu de regards…
Thoreau disait qu’il avait trois chaises chez lui : l’une pour la solitude, l’autre pour l’amitié, la troisième pour la société. Savoir être seul est l’indispensable contrepartie, enrichissante, du temps partagé avec les autres.
(servitude) La seule chose que les hommes préfèrent à la liberté.
Le mal du siècle c’est cette confusion entre le grandiose et le vrai, le “sympa” et le bon, le cool et la beauté.
Le silence comme anxiété majeure de l’utilisateur de portable : toujours en souffrance de réseau, ne progressant dans l’espace qu’à force de « téoula ? » pour rassurer sa crainte d’être perdu c’est-à-dire déconnecté – l’une des inconvenances majeure de notre époque.
La fameuse « inadéquation entre soi et soi » (J. Derrida) : ce conflit tellement essentiel pour l’art en général et la musique en particulier. J’ai envie d’ajouter entre l’œil et le lorgnon, entre la lucidité et la mélancolie…
L’homme qui songe est un dieu ; celui qui pense, un mendiant.
La solitude permet d’accéder plus pleinement aux autres, comme si nous les connaissions déjà du dedans.
Dans son nid de bois, de fer, de flûte, d’acier, l’organiste est le seul musicien invisible.
Société du spectacle : la noyade du langage dans l’océan morne du numérique (définition debordienne).
Synecdoques : la sandale d’Empédocle, le vêtement de lin blanc de Pythagore, la robe de chambre de Diderot, l’habit arménien de Rousseau, la redingote à jupe de Barbey d’Aurevilly, la chemise blanche ouverte au quatrième bouton du pop-philosophe…
Si tu crains d’être moqué : prends les devants, moque-toi de toi.
Roger Caillois disait qu’il ne faudrait jamais utiliser les mots de plus de quatre syllabes.
J’aime la modestie aimable et particulière de celui qui donne ses impressions plutôt que ses opinions.
De tous ceux qui n’ont rien à dire, ceux qui se taisent sont les moins désagréables.
Que chacun s’élève, et tous seront élevés.
Il paraît que le passé simple du verbe traire n’existe pas.
Plus nous nous considérons comme matière et rien d’autre, plus nous avons à construire le domaine des valeurs.
L’impératrice Joséphine pour humilier une dame qu’elle détestait et qui se vêtait de vert, fit entièrement repeindre et redécorer en bleu une salle de bal qui s’accordait avec sa propre robe et rendrait sa victime affreuse.
Un faible pour les femmes en tailleur de laine, leurs seins bougent doucement dedans.
Il y a des vérités que l’on comprend mais qui ne nous parlent pas (l’argumentaire de l’écologie politique).
La vérité que cherche l’écrivain n’est pas celle du scientifique : la vérité-authenticité ne saurait être confondue avec la vérité-conformité. Il s’agit d’expressivité et non d’adéquation d’où l’incompréhension et les regards en chien de faïence.
Quand j’entends quelqu’un soupirer, « la vie est dure », je suis toujours tenté de lui demander : « comparée à quoi ? »
Berceau, landau, trottinette, mobylette, Twingo, Mercedes, fauteuil roulant, corbillard.
S’enfoncer dans la vieillesse comme une pierre s’enfonce dans l’eau.
X aime la photographie qui ne ressemble pas à la photographie,
X aime le cinéma qui ne ressemble pas au cinéma,
X aime la peinture qui ne ressemble pas à la peinture,
X aime la musique qui ne ressemble pas à la musique,
X n’aime ni la photographie, ni le cinéma, ni la peinture, ni la musique.
X aime l’art qui le protège de l’art.
Degas considérait que la peinture était un « état d’yeux » (plutôt qu’un état d’âme).
Les « zanzarotti » sont de pâles garçons se tenant à deux devant les fenêtres ouvertes des palais vénitiens, face aux salles, en livrée, le dos nu pour attirer les moustiques (les zanzare) et les capturer avec leur sang sucré.
La zemblanité est un néologisme créé par l’écrivain britannique William Boyd en référence à l’île de la Nouvelle-Zemble située aux antipodes de l’île de Serendip (ancien nom du Sri Lanka). Si la sérendipité est l’art de découvrir des choses que l’on ne cherchait pas, la zemblanité serait le don de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment.
Jean-Jacques Rousseau condamnait le théâtre parce qu’il plonge le spectateur dans un état de passivité – s’il avait su ce à quoi nous sommes arrivés grâce au numérique en matière d’hypnose et de décérébration…
Nous ne pouv(i)ons être gouvernés sans excès de contraintes qu’au nom des lendemains meilleurs. Ces lendemains meilleurs ayant disparu, ne reste que les contraintes – désormais débridées et punitives.
La santé a remplacé le salut.
Avec le réchauffement climatique, paradoxalement la fin de notre monde est objet de crainte, mais aussi de désir. Considérée comme probable et même assurée d’être prochaine, elle rend plus tolérable aux hommes la pensée de leur propre fin.
Dans la pensée claudicante, il y a une idée plus profonde qui se réfère à notre inachevé. Elle révèle la conscience de notre finitude. De notre limite. C’est quelque chose que j’ai appris comme un enfant, d’abord confus puis dans un toujours plus clair.
J’ai été si longtemps mort avant ma naissance.
Illustrations : (en médaillon) photographie ©LeLorgnonmélancolique.
Prochain billet bientôt se Deus quiser.