Épiménidien l’écrivain qui écrit : « Je n’écris pas. » ou « Je n’écris pas que je n’écris pas. »
Dans ce grand ciel triste de fin décembre, le vent se divertit avec un ballet d’étourneaux.
N’évite pas un malheur, lance lui un autre malheur dans les jambes.
Un texte sacré lorsqu’il est traduit reste-t-il sacré ?
L’absence, la seule empreinte de mémoire.
Quelqu’un (Marc Lambron, je crois) : Louis-René des Forêts, c’est du Le Clézio passé au four à micro-ondes.
Paraphrasons : Marc Lambron, c’est du Morand passé dans un blender.
Michel Houellebecq, c’est du Michel de Saint-Pierre mixé avec du Gilbert Cesbron cuit au bain-marie.
Ces symposiums de « penseurs » où même les détenteurs d’une ouïe parfaite semblent soudain dotés d’un Sonotone.
(Devinette) Quand on est dans une Maserati, avec un hélicoptère au-dessus de soi et un petit cochon rose juste derrière, que fait-on ?
— On donne son ticket au monsieur du manège.
À la question : « À quoi penses-tu ? » Jean Paulhan dit qu’enfant il ne répondait pas : « À rien », mais « À tout ». C’est sans doute une invention de sa part que l’on aurait tort de ne pas prendre assez au sérieux.
Jacques Derrida avait été invité à lire un texte au milieu d’un concert d’Ornette Coleman, son admirateur, qui jouait avec le pianiste Joachim Kühn à la Cité de la musique. Mal lui en prend : le public hue Derrida qui doit quitter précipitamment la scène. C’est de la déconstruction ?
Alors que les catéchismes sont prêts, que les prêches présidentiels commencent à s’élever, que nos temps de cerveaux disponibles sont déjà presque saturés, on a envie de crier avec Saint-John Perse : « Et de l’homme lui-même quand donc sera-t-il question ? – Quelqu’un au monde élèvera-t-il la voix ? (…) Car c’est de l’homme qu’il s’agit, et de son renouement. »
Dans Le Pouvoir des sans-pouvoir, essai écrit en 1978 (deux ans après le lancement de la « Charte 77 »), Vaclav Havel lista cinq critères pour débusquer le totalitarisme : la surveillance généralisée, l’amnésie historique, le cynisme politique, la manipulation médiatique et l’anesthésie consumériste. Regardez autour de vous…
L’idée dominant le paysage du XXe siècle jusqu’aux années 60 que l’existence juvénile trouve son sens dans une cause qui la dépasse, est à peu près en voie de liquidation.
Les événements de la politique résumés par Jean Dubuffet : « Plu kifekler mouinkon nivoua ».
Les brunes ont paraît-il moins de cheveux que les blondes. D’où la domination des dernières, bronzées et cosmétiquées, bijoutées et liftées, décolorées et surcoiffées dans le monde des affaires et des médias.
Certaines femmes ont l’habitude, enfants, de rêver leur vie. Elles acceptent, ou seront prêtes à accepter, tout ce qui s’ajuste à ce rêve, tout ce qui lui ressemble même de loin. Elles attendent dans un état de flottement passif qu’une force extérieure – qu’on l’appelle amour, argent ou quoi que ce soit d’autre – survienne soudainement dans leur vie et la dote d’une structure, d’une orientation, d’un but.
Elle avait ce tropisme si peu contemporain de n’être pour rien au monde victime.
On reconnaît en elle les restes de cette timidité qui, en d’autres temps, faisait l’apanage de la bonne éducation des jeunes filles de bonne famille.
Elle circule sur les nationales pour ne pas laisser de traces dans les péage d’autoroutes. De sa banque elle exige qu’on lui envoie ses relevés uniquement par voie postale. Par illectronisme.
Les petits rituels de l’existence : l’avion se pose, nous nous serrons la main et prononçons en chœur : « On a encore échappé ! »
A propos d’une dame : « Elle a quelques heures de vol, donc une belle boîte noire. »
Il vivait en s’accrochant à un sourire dont elle ignorait qu’elle le lui avait offert dans les années profondes…
La nuit vint. À mesure que l’obscurité nous enveloppait nous passâmes de la conversation au conciliabule, puis du conciliabule au chuchotement, enfin du chuchotement au murmure.
D’avoir gardé un pansement au doigt, elle paraissait encore plus nue.
Bon, me dit-elle, parlons plutôt du silence.
Terrain d’entente : nous venons elle et moi de cultures différentes. Notre seule expérience en commun est qu’enfants nous avons vu les mêmes séries télévisées.
Les convives s’étant tous gargarisés de leurs petites vanités, « Vous êtes tous des (z’)héros » déclara-elle.
Une femme à la sensualité torride. Ses lettres ponctuées de nombreux points d’exclamation.
Je suis tombé amoureux de toi parce que je n’avais rien d’autre à faire.
Les normes qui indiquent ce qu’il convient de faire restreignent ce qu’il est possible de faire.
A mesure que nous est confirmé que le bien et le mal ne sont peut-être que des variations chimiques ou électrochimiques, l’irresponsabilité croît.
Les réseaux sociaux instaurent et installent un rapport maître-esclave où l’on ne peut différencier le maître de l’esclave.
Les GAFA(M) allèguent leur innocuité comme l’accusé justifie son innocence en rejetant sur son couteau la responsabilité de son crime.
Deux jumeaux – identiques au point de ne pouvoir être distingués l’un de l’autre – disputent une partie d’échecs : le dénouement n’a aucun intérêt pour l’observateur extérieur. Image qui permet d’invalider bien des débats qui obnubilent les médias.
Une gifle, une seule, donnée sans hésitation au moment opportun, à l’un des tournants de l’enfance, est un événement clé dans la formation d’une personne, dans sa juste compréhension de l’existence des limites. L’insolence de tant de gens qui ne l’ont pas reçue… Maintenant qu’ils sont adultes, il est trop tard.
Un livre si mince que les pages seraient comme des lames de rasoir.
Il faut choisir un vin d’après la joliesse de l’étiquette. I judge the book by its covers, donc.
Comment cet exemplaire d’une « rhapsodie » écrite par un grand critique d’art, de cinéma, de littérature dédicacé à ce non moins grand éditeur que fut Bernard de Fallois a-t-il pu échouer chez ce bouquiniste de La Bazoche-Gouet, 1200 habitants ? Il est à craindre que l’éditeur exigeant l’ait trouvé faible et s’en soit débarrassé. Alors advienne que pourra…
Il faut demander à Dieu moins de fond et plus de forme.
Le sens de l’existence est (dans) l’attachement à l’existence.
Que de temps perdu avec des explications du monde bien plus complexes que le monde lui-même…
X échappé du XIXe siècle, un cas presque parfait de caïnophobie (ou kaïnotêtophobie, ou néophobie) permanente en tout et pour tout.
La mer immensément rabâcheuse, condition de sa pérennité.
Solitude contemporaine : X dînant en tête à tête avec son téléviseur.
Que faut-il penser d’un ami qui ne vous appelle au téléphone que lorsqu’il promène le chien ?
Parce que le beau l’effrayait, il n’aimait que le joli.
Pour Freud, la démocratie consiste à tuer le père pour pouvoir être frères.
Pour Girard, même chose mais avec des frères ennemis.
Sa réponse : un oui mineur et un si bémol.
Certes le Soleil et la Galaxie vont disparaître, mais le nombre Pi peut-il mourir ?
Lorsqu’il abordait un sujet qui lui tenait à cœur, soudainement le ton de sa voix changeait, se métamorphosait en une sorte de grondement : il ventriloquait mimétiquement le Poète-Rossignol qu’il n’avait cessé d’aduler sa vie durant. On reconnaissait dans cet histrionisme intellectuel la demande d’aumône d’un vague éclat à la splendeur qu’un autre poète avait réclamée : « Mérite ce que tu rêves ».
Il est remarquable de sentir, à l’heure actuelle, le besoin général d’anthologies, de sommes encyclopédiques ou compendiums rassemblant le meilleur d’un auteur (Ainsi parlait…) ou l’essentiel sur un sujet (Dictionnaire amoureux de…), etc. C’est comme si l’on pensait qu’une grande nuit va s’étendre sur la civilisation et que l’on veuille au moins sauver un florilège.
Le travers que j’ai le plus rencontré dans le milieu intellectuel universitaire : l’illusion de totalité. Á savoir la tendance de l’esprit à prendre pour un tout chacune des observations fragmentaires qu’il observe. Ainsi de l’Anglais qui débarque à Calais, voit une femme rousse et en infére que toutes les Françaises sont rousses. C’est une des illusions les plus communes qui soit et elle alimente la plupart des colloques : les sartriens voient du Sartre partout, les lacaniens du Lacan partout, les girardiens du Girard partout, etc. Ce gauchissent mental est très confortable : il permet d’évacuer la diversité et la complexité du réel. Plus généralement, il imprègne nos comportements sociaux ainsi que le débat politique – les plus malins savent le susciter chez autrui pour manipuler et tirer quelque avantage.
« Il faut faire les choses comme il faut » nous serinait-on enfants, sans nous dire comment ni pourquoi. On obtempérait pour avoir la paix. Un encouragement à faire les choses à sa manière, bonne ou mauvaise.
Elle nous explique que la directrice du collège où elle enseigne est « racisée » (conformisme woke) ; sa mère demande « Ratisée ! Pourquoi ? », elle répète ; la mère à nouveau : « Pourquoi elle est dératisée ? » Imbroglio des usages langagiers intergénérationnels…
Elle rédigeait un mémoire de maîtrise en littérature comparée – jetant un coup d’œil sur ses notes, je vis qu’elle faisait de petits ronds en guise de points sur tous ses “i”.
Il arrive un moment où la justesse – peut-être est-ce un signe de vieillesse ? – même banale, intéresse davantage que l’originalité (ou la nouveauté).
Illustrations : (en médaillon) photographie ©LeLorgnonmélancolique.
Prochain billet bientôt se Deus quiser.
Razbliuto (7)…qui n’existe dans aucune autre langue: si fait! en maori, bambara, géorgien, sogdien, et louvite, le participe futur adjectivé d’un verbe défectif, à l’optatif de l’aoriste à la 3e personne du neutre singulier, suivi d’un pronom personnel réfléchi pluriel, au cas duel, a le même sens.
Merci pour cette très savante mise au point.
🙂