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« Anéantir » de Michel Houellebecq

Patrick Corneau

« Outre une couverture cartonnée et un papier au grammage renforcé, destinés à les empêcher de vieillir, les livres de Michel Houellebecq seront désormais dotés d’une tranchefile et d’un signet, en mode Pléiade. » (Le Monde du 02 janvier 2022)

Une des raisons pour lesquelles un auteur est digne de s’appeler grantécrivain est son aptitude à traverser les époques, à pouvoir être lu et relu, à rester notre contemporain par-delà les modes et vicissitudes de l’actualité (Montaigne, Proust e.g.). Je crois avoir dans ma bibliothèque tous les romans (et la poésie) de Michel Houellebecq : depuis la parution de son premier livre chez Maurice Nadeau lu en 1994. Au cours de ces vingt-huit années,  je n’ai jamais rouvert un de ses titres, n’en ai jamais éprouvé le moindre besoin, le plus infime désir. J’en conclus que Michel Houellebecq n’est pas un grantécrivain.
Est-il même (seulement) un écrivain ?
Il est possible que je lise Anéantir. Comme le conseillait Jean Paulhan, il faut lire les auteurs médiocres car il est très profitable de lire de mauvais livres : ils permettent de comprendre par soi-même pourquoi ils sont mauvais.

Illustrations : (en médaillon) Photographie de Michel Houellebecq par ©Philippe Matsas OPALE / (dans le billet) Documents Flammarion.

Prochain billet le 7 janvier.

  1. Destève Arlette says:

    C’est un grand soulagement que de vous lire !
    Je pensais être la seule à penser ainsi et de ce fait ,je me croyais totalement incapable de reconnaître une quelconque qualité littéraire ,apparemment si reconnue .

    1. Je me demande pour quelles raisons je n’apprécie pas cet auteur. A cause du personnage qu’il joue dans la sphère des médias ? Sûrement, mais à la limite, cela devrait m’être indifférent, seul compte ce qu’il écrit. Alors, parce que je m’ennuie en le lisant ? Certes, mais encore ? Parce que le récit est trop prévisible ? Parce que la fascination pour une certaine angoisse finit par me lasser ? Ou plus encore peut-être parce que justement, comme je le lis souvent, il aborde des SUJETS bien identifiables, que d’autres n’aborderaient pas… et que j’ai rapidement le sentiment que son texte n’est plus là que pour illustrer lesdits sujets ? Est-ce donc pour cela que j’ai du mal avec son style ? …
      Citation éclairante (?)
      « On me situe en général parmi les pessimistes, et même parmi ceux qu’on dénomme « catastrophiste  ». Les critiques se sont habitués à ce qu’à partir d’un certain niveau, la littérature contemporaine ne puisse être autrement que noire. La mienne, elle, n’est pas noire ; au contraire, elle serait plutôt une réaction contre le ton sardonico-apocalyptique de rigueur. Je suis comme le baryton de la neuvième symphonie : «  amis, assez de ce chant, que d’autres mélodies se fassent entendre! ». Ce qui ne signifie pas que j’entonne pour autant des hymnes à la joie ! Mais j’en ai assez des gémissements actuels. Il faut rajeunir nos problèmes, c’est la tâche primordiale de la littérature créatrice. »
      Texte de Witold Gombrowicz, paru en 1968
      « Testament, entretiens avec Dominique de Roux », Folio essai p.78

      1. Patrick Corneau says:

        Entièrement d’accord avec vos interrogations et la citation de Gombrowicz est une réponse tout à fait adéquate. D’ailleurs elle explique pourquoi on lit aujourd’hui Gombrowicz, lira-t-on Houellebecq dans 50 ans ? Récemment sur FB Jean-Yves Masson faisait le commentaire suivant : « Houellebecq c’est notre Paul Bourget : des d’idées, des thèses parfois intéressantes, du flair pour sentir l’époque, mais comme Bourget il passera avec ladite époque car ce n’est pas un artiste. Ça restera une curiosité pour historiens des idées. »

  2. Daniel Maja says:

    cher ami lointain, merci pour vos articles toujours lucides et votre liberté de ton, les souhaits de bonne année pour vous d’un lecteur attentif qui partage vos goûts pour ces grands écrivains que sont Jean Grenier, Ramuz et d’autres. Mes réserves à l’égard des oeuvres de Houellebecq ne rencontraient que peu d’accord avec mes amis, si bien que j’en venais à douter du bien fondé de ma gène à son égard, face à tous ces articles laudatifs.

      1. Isabelle Brunier says:

        D’abord, merci de vos intéressants billets.
        J’avoue, sans entrer dans le détail et pour cause, que les romans de M.H. m’ennuient et que je n’ai pas même lu l’avant-dernier (c’est dire!).
        En revanche j’ai été vraiment sensible aux quelques poèmes de lui que j’ai eu l’occasion de lire alors que la poésie ne m’attire guère…
        Encore merci.

        1. serge says:

          Tout le monde attendait mon avis sur la question, j’arrive. Avec un avis discordant qui fait tout l’intérêt d’un blog de qualité.
          Et bien j’adore Houellebecq que je considère comme un écrivain très important.
          Un des rares à aborder les sujets qui fâchent: la misère sexuelle, l’islam, la transformation de la France et du monde, le désespoir de vivre. Et avec originalité, subversion, humour.
          Au début il fut accueilli avec circonspection. Le gars bizarre, inclassable, sans les marqueurs classiques de gauche. Et puis on connaît la suite.
          Comme vous j’ai presque tous ses livres. Et ils ne me sont pas tombés des mains comme la moitié des romans que je commence à lire, bien au contraire. Pour son prochain livre je lui recommande de piquer un titre à Cioran: « Bréviaire des vaincus ».

          1. Patrick Corneau says:

            Cher Serge, oui nous attendions avec impatience votre avis ! Votre « discordance », sachez-le, est et sera toujours la bienvenue ici ! Une très heureuse année 2022. ?

  3. Bonjour, Je trouve bizarre de mettre en avant l’absence de service de presse et donc d’envoi gratuit de son livre. J’avoue que je moi aussi je n’ai pas relu les livres de Houellebecq mais c’est le cas d’autres grands écrivains comme Céline. Je trouve que c’est un écrivain important car il aborde beaucoup de thèmes importants souvent tabous comme dans le dernier avec la place des personnes âgées dans la société contemporaine.. Ceci dit ,merci pour tous vos articles qui m’ont permis de découvrir d’autres écrivains.

  4. Patrick Corneau says:

    Vu les chiffres de ventes probables, et le ruissellement de royalties qui s’ensuivra, j’ai trouvé très désinvolte la réponse de Flammarion. Merci pour votre fidélité, ?

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Patrick Corneau