Une histoire héroïque qu’il convient de rappeler au nom d’un devoir de mémoire littéraire (mais la littérature est-elle autre chose?), une légende qui, peut-être, est vraie et pourrait illustrer la survivance d’un mythe, tel est le projet littéraire de Jean-François Roseau dans son roman biographique La Chute d’Icare, récemment publié aux éditions de Fallois.
Le nom du capitaine Albert Preziosi ne dit pas grand-chose au lecteur d’aujourd’hui. Il fut pourtant un des héros de l’escadrille Normandie-Niemen, ce groupe de chasse de la France Libre qui partit combattre aux côtés de Staline en 1943. Preziosi fut même le premier à remporter une victoire homologuée sur l’aviation allemande. L’auteur nous fait revivre l’épopée de ce jeune Corse qui ne put combattre en 1940, partit de Royan pour l’Angleterre en volant un avion, combattit en Afrique du Nord avant de mourir en Russie à l’âge de 28 ans, abattu par la Luftwaffe dans le secteur de l’Orel.
Mais la légende s’invite au banquet de l’histoire. Au cours d’une mission en Lybie, Preziosi, abattu par un Messerschmitt allemand au-dessus du désert, avait été recueilli par des Berbères et aurait eu une aventure avec une jeune femme qui ne pouvait avoir d’enfant avec son époux légitime. Cette jeune bédouine, prénommée Aïcha aurait eu un fils: le Guide, le futur colonel Khadafi.
Ironie de l’histoire (et ultime victoire de la Liberté?): Preziosi a donné son nom à une base aérienne près de Solenzara en Corse d’où ont décollé les avions qui ont mis fin au régime de fer du sinistre colonel en 2011.
Il y a là une matière romanesque rêvée dans laquelle Jean-François Roseau s’est engouffré avec un brio, une aisance et surtout un plaisir à conter qui font de ce roman (son second*) une vraie réussite. Les lecteurs qui appartiennent à la génération ayant encore en tête les récits de ceux qui ont vécu les premiers temps de l’aviation et les soubresauts de la Seconde Guerre mondiale seront saisis par la véracité, le réalisme de la fresque historique déployée par ce jeune auteur de 26 ans. Derrière la légende et le mythe, se dessine en filigrane une leçon éternelle: à vouloir défier les dieux en s’arrogeant puissance et pouvoir, le châtiment (la chute) est inéluctable. Un livre passionnant à lire pour finir l’été en pente (ou chute) douce…
* Après Au plus fort de la bataille, Ed. Pierre-Guillaume de Roux, 2014.
Illustrations: Picasso, « La chute d’Icare » (mur de l’UNESCO) / Éditions de Fallois.