013e18c0dd348da6d0e911a7511hmorganlunettesRegardant des photographies de maîtres anciens (Stieglitz, Brassaï, Doisneau), je suis frappé d’y voir tout un monde qui sort de l’ombre et s’apprête à y retourner. Le bel aujourd’hui a chassé les ombres. Les studios de télévision ne les tolèrent plus: ils éclairent d’une lumière égale et crue des êtres uniformément lisses et donc parfaitement interchangeables. C’est la lumière avec laquelle on éclaire des toilettes, un bloc chirurgical ou une coupe histologique sous un microscope.
Quand j’étais enfant, l’étroit halo de lumière que prodiguait la lampe à suspension au-dessus de la table chez mes grands-parents repoussait le reste du monde dans des ténèbres pleines de mystères où les peurs étaient apaisées plus qu’éveillées. Il y avait là une proximité comme respirante des ombres parfois claires que l’on pouvait ressentir comme bénéfique.
Il est vraisemblable que cet attendrissement pour « la douce nuit » du poème de Baudelaire paraîtra fade et bébête. Avec l’âge le nocturne se cache dans le conceptuel et le mystère alors de s’évanouir.

Illustration: photographie de Viktor Kolář.

  1. lucm.reze says:

    Cher Lorgnon, même l’ombre du doute est suspecte. C’est un paradoxe, plus les temps sont obscurs, plus la télévision est nette et plus les positions doivent être tranchées. Il faut être Charlie sans émettre de nuance, c’est l’esprit du 11 janvier.

    1. Tout à fait d’accord. A part les érotomanes au foyer, qui perçoit 50 nuances de gris? 😉

      « Quand le blanc devient noir, certaines gens disent : « Pour l’essentiel, il est toujours le même. » Et d’autres, lorsqu’une couleur est assombrie seulement d’un degré : « Elle a complètement changé. » »
      Wittgenstein, « Remarques mêlées » – GF Flammarion

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Patrick Corneau