RCamusLaCivilisationDesPrénferli4Avec La Civilisation des prénoms*, Renaud Camus, sans doute l’un des meilleurs analystes de notre civilisation finissante, met toutes les ressources de sa sagacité (et de son humour) pour décrire le règne du faux, « ce double inversé du réel » qu’il dénomme « faussel ». L’envahissement du prénom étant une entrée (certes à forte valeur symptomatique et symbolique) pour ce faire. Bien évidemment, la subtile déconstruction bathmologique de la « doxa » ambiante, via notamment une généalogie de « l’effondrement syntaxique », est inaudible par les temps qui courent ou fera l’objet d’une censure auto-protectrice: qui veut aujourd’hui entendre parler de la RÉALITÉ (décivilisation, déculturation, nocence généralisée, « soi-mêmisme »)?
Face aux forces démobilisatrices régnantes qui, au cri de « pasdamalgame », se livrent aux plus délétères et aberrantes confusions (car tout doit être remis à plat, dé-signifié et « amalgamé » c’est-à-dire non discriminé sous le régime du « gnangnisme » avant liquidation et remplacement), on s’étonne qu’il existe encore des esprits pour dire que le roi est nu. Ce lumineux essai, précis de survie en zone en cours d’effondrement, rend encore plus abyssal le mystère de la résignation à l’aveuglement, à la surdité…

Ceux qui du sel de la vie veulent préserver ce qui leur tient encore à cœur, se réuniront autour de ce livre. Livre dont l’auteur, Renaud Camus, est, rappelons-le, l’objet d’un ostracisme pratiqué de longue date, avec une intensité variable selon l’actualité, ce que Sollers (parlant de Spinoza) appelle un herem doux**: « silencieux, insinuant, dissolvant, peut-être le plus efficace. Pas de martyre, de crucifixion, de proscription officielle: la censure-réflexe, le bas bruit, l’effacement des traces, rien de nouveau sous le soleil. » (L’Ecole du mystère, Gallimard, 2015).

* ce billet reprend grosso modo mon commentaire/Amazon pour cet ouvrage.
**ou ce que nous pourrions aussi appeler une « fatwa soft ».

Illustrations: Éditions et photographie ©Renaud Camus.

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Patrick Corneau