croque-monsieurferli14Signe des temps? Avez-vous remarqué que les traditionnels casse-croûte et croque-monsieur de nos bistrots sont de plus en plus attaqués sur la carte (et son territoire) par le mol hamburger ou « burger » comme l’appellent ses aficionados? Cela est désolant. Jamais nous n’accepterons que le craquant et goûtu croque-monsieur puisse céder le pas à l’insipidité briochée nord-américaine! Proust, qui en appréciait la saveur (jusqu’à lui mettre même des majuscules), nous le prouve stylistiquement: essayez de remplacer « Croque Monsieur » par « burger » dans ce passage d’À l’ombre des jeunes filles en fleurs (1918) :
« Or, en sortant du concert, comme, en reprenant le chemin qui va vers l’hôtel, nous nous étions arrêtés un instant sur la digue, ma grand’mère et moi, pour échanger quelques mots avec Mme de Villeparisis qui nous annonçait qu’elle avait commandé pour nous à l’hôtel, des « Croque Monsieur » et des œufs à la crème, je vis de loin venir dans notre direction la princesse de Luxembourg, à demi appuyée sur une ombrelle de façon à imprimer à son grand et merveilleux corps cette légère inclinaison, à lui faire dessiner cette arabesque si chère aux femmes qui avaient été belles sous l’Empire et qui savaient, les épaules tombantes, le dos remonté, la hanche creuse, la jambe tendue, faire flotter mollement leur corps comme un foulard, autour de l’armature d’une invisible tige inflexible et oblique, qui l’aurait traversé. »
Imparable, non? Vive le Croque Monsieur!

Illustration: photographie Flickr.

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Patrick Corneau