Nous qui écrivons des livres sur des livres, nous ne savons plus les imaginer, comme faisait Flaubert, à partir de rien;
nous qui accumulons des savoirs, nous ne connaissons plus l’inspiration,
nous qui avons des idées, nous n’avons plus de style,
nous qui construisons des thèses, nous n’avons plus d’idées,
nous qui fabriquons de la culture, nous n’avons plus de fantaisie,
nous qui sacrons l’Occident, nous n’avons plus d’Orient,
nous qui bénissons l’Orient nous n’avons plus d’Occident.
Et dans un monde où le soleil ne se lève ni ne se couche, où les arbres, les hommes, les objets n’ont plus d’ombre,
nous n’avons plus de corps, nous qui avons des fonctions;
nous manquons l’Événement, nous qui pensons l’Histoire;
nous masquons le mal, nous qui dénonçons le malheur;
nous croulons en servitude, nous qui sommes libérés;
nous découvrons le mensonge de l’objet, nous les fans de « l’objectivité »;
nous ne savons rien interpréter, nous qui voulons tout représenter.
Nous embrassons la réalité, mais nous étreignons son spectre,
nous imageons toute la terre, mais nous dissolvons le monde;
nous contrôlons le ciel, mais nous préparons l’enfer;
nous contemplons la mer, mais nous n’y levons plus notre miroir.
Illustration: « Escape », photographie de Sergey Kharlamov
Cioran a-t-il trouvé en vous son successeur ?
Pour compléter ce pessimisme, il manque une phrase sur l’inutilité des blogs !
C’est peut-être dans le virtuel (blogs) qu’on trouve le plus d' »intégristes de la réalité », et pour cause… 😉