Je me suis toujours méfié des gens qui ont une « philosophie » de la vie, ce dont je suis parfaitement dépourvu. Qu’est-ce que vivre? C’est une question importante à leurs yeux, la seule vraie question. Ils ont toujours pour vous – pour moi, hélas – une réponse! En mon for intérieur comme on dit, cette question n’a jamais eu grand sens. Aussi loin que je regarde, je ne me la suis jamais posée. Ou elle ne s’est jamais posée, ou imposée à moi. La vie, je me suis toujours contenté de l’éprouver, en somme de la « subir ». Non comme un châtiment car je suis capable d’en goûter la douceur comme l’âcreté, et même, de ce fruit périssable, je préfère la douceur. Mais une « philosophie », non. Et il en sera toujours ainsi; ma vie n’est qu’un cadre vide, « le cadre vide d’un chef-d’œuvre », comme l’a dit un certain Marcel Proust. Vaste programme! Et cela, les donneurs de leçon ne peuvent sinon le comprendre, du moins l’admettre. C’est pour eux une déficience essentielle. Cela va trop à l’encontre de leur « philosophie ». C’en est l’exacte antinomie.

P.S.: Alors que j’avais écrit ce billet, je suis tombé sur le merveilleux livre de Muriel Barbery, L’élégance du hérisson, où il est question de faire passer aux théories philosophiques le « test de la mirabelle ». Ce test est imparable et… succulent! Je le recommande vivement et espère qu’il sera aussi célèbre que le Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz.

Illustration: « Silver Frames », photographie de Regina Chayer.

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Patrick Corneau