Patrick Corneau

Depuis 72 ans, chaque 1er avril le Lorgnon ne fait RIEN. Il reste vacant, fait un pas de côté.
Ayant survécu à son « enfer astral » du mois de mars mais ne sachant s’il s’engage dans une Annus Mirabilis ou une Annus Horribilis, comme Monsieur de Clèves il se trouve « heureux, sans se trouver néanmoins entièrement content ».
Profitant de cette parenthèse, il se retire du train des jours et de leur agitation, il n’ouvre aucune lettre, aucun livre, ne clique ni ne tapote. Une fois l’an, il peut enfin réaliser son admiration secrète pour le Tao et sa confiance imprescriptible dans la croyance qu’il n’est de réussite que par le wou wei : toute intervention délibérée dans le cours des choses ne manque pas, à plus ou moins longue échéance, de péricliter.
Aussi il va à sa fenêtre et regarde passer le cours des choses en suivant dans le ciel quelques nuages. Rien de vrai, rien de faux dans les nuages*…
Il n’est pas absent, il est présent ailleurs : au sein de l’universelle spontanéité où tout s’accomplit sans intervention particulière…

* Pour être plus véridique et météorologique : quelques flocons de neige… Et comme le dit l’adage zen : il n’y a pas un seul flocon qui ne tombe à son exacte place.

Illustrations : (en médaillon et dans le billet) photographies ©LeLorgnonmélancolique.

Prochaine chronique le 3 avril.

  1. Connaissez-vous les chaises de toile du musée des nuage ? Pour votre prochain 1er avril ?
    S’asseoir dans une chaise longue, c’est s’inviter à une exposition 
que l’on découvre la tête en l’air. C’est profiter d’un laissez-passer permanent pour s’embarquer dans le paysage mouvant d’un ciel toujours redessiné, toujours contemporain. C’est se laisser distraire par le vent, une ombre, un bruissement.
Attention aux fonds de ciel uni !
    Si même quelque nuage épars accroche encore en vous une pensée nomade, tout abandon prolongé vous expose à un risque. Ne vous exposez pas à la morsure profonde du soleil. Pas dans une chaise de toile du musée des nuages. Ce genre d’exposition n’est pas sans conséquence.
    Comme tous les musées, le musée des nuages travaille à préserver un patrimoine. Ce bien précieux, c’est vous, votre peau, vos yeux, votre confort présent et avenir. Vous trouverez toujours une zone d’ombre. A moins que de beaux stratus, cirrus ou cumulus ne viennent spontanément tirer vers vous leur couverture nuageuse. Le ciel est un paysage changeant. Le musée des nuages souhaite vous faire apprécier ces instants de fraîcheur où le soleil se voile. 
Sylvain Soussan,
    secrétaire perpétuel du musée des nuages

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Patrick Corneau