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Ce sont là, dit-il, des idées désespérantes…

Patrick Corneau

Profitons de ce premier jour de l’année nouvelle pour nous élever au-dessus de la couche gazeuse. Délaissons nos masques, nos larmes et nos alarmes pour nous téléporter dans l’infini cosmique et la conscience éternelle…

« Vous pouvez annoncer pourtant qu’il s’éteindra et que les figures disloquées des constellations s’effaceront point par point dans l’espace noir. Mais qu’est-ce que la mort d’une étoile ? L’évanouissement d’une étincelle. Que tous les astres du ciel s’éteignent comme se sèchent les herbes de la prairie, qu’importe à la vie universelle, tant que les éléments infiniment petits qui les composent auront gardé en eux la puissance qui fait et défait les mondes ! Vous pouvez prédire une fin plus complète de l’univers, la fin de l’atome, la dissociation des derniers éléments de la matière, les temps où le protyle, le brouillard sans forme, aura reconquis sur la ruine de toutes choses son empire illimité. Et ce ne sera là qu’un temps dans la respiration de Dieu. Tout recommencera.
(…) Les mondes renaîtront. Ils renaîtront pour mourir. La vie et la mort se succéderont éternellement. Dans l’infini de l’espace et du temps se réaliseront toutes les combinaisons possibles et nous nous retrouverons de nouveau assis au flanc du Forum ruiné. Mais puisque nous ne saurons pas que c’est nous, ce ne sera pas nous.
M. Goubin essuya les verres de son lorgnon. 

— Ce sont là, dit-il, des idées désespérantes. 

— Qu’espérez-vous donc, monsieur Goubin, demanda Nicole Langelier, et que vous faut-il pour combler vos désirs ? Prétendez-vous donc garder de vous-même et du monde une conscience éternelle ? Pourquoi voulez-vous toujours vous rappeler que vous êtes monsieur Goubin ? » 
Anatole France, Sur la pierre blanche, 1905.

Illustrations : photographie ©LeLorgnonmélancolique – photographie ciel étoilé ©Guillaume Cannat.

Prochain billet le 5 janvier.

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Patrick Corneau