Les Bretons et autres peuples maritimes n’aimeront pas… mais voilà pourquoi ayant vécu 18 ans à quelques kilomètres de la mer, je n’y mettais jamais les pieds (sauf pour m’y ennuyer férocement).
« Et voilà que tu te montres à la mer avec l’intention de t’emmerder féroce. Fidèle à cet infini qui t’a dès l’origine infiniment barbé. Sinon à quoi ça servirait, toute cette eau toujours pareille y compris quand elle change? La mer est faite pour la baignade, pas pour la pensée. La pensée, la mer vous la dilue comme elle ferait d’un sucre. Si la tête est une boîte alors c’est une boîte vide, au bord de la mer. Au bord de la mer le voyeur se trouve sur le trajet d’un souffle immense inventé pour le traverser en l’oubliant sur place. Tu es venu voir la mer pour que l’ennui te lave, te rince des paroles et des images, te laisse vacant, te dénude de toi. Il n’y a pas meilleur amnios que l’ennui maritime, c’est pour naître à partir de rien qu’on revient à la mer se faire tartir. On revient à la mer pour tremper sa voix comme aujourd’hui dans le bleu du rien à faire et du plus rien à dire, bouche bée, bras ballants, profil perdu, l’être grand ouvert à l’oubli parfait, l’air couillon de qui s’offre à l’avènement capital. Seule trace sensible au gourmand: ce léger goût de sel sur les lèvres et dans la bouche.
Encore une belle journée. Tu reviendras. Parions que tu reviendras. »
Ludovic janvier, « En passant par l’ennui maritime », Apparitions, Gallimard, 2016.
Illustration: photographie © Thierry Girard.