Elle trône, au milieu de la salle, flanquée d’écrans qui renseignent sur son origine. L’œuvre n’est pas née sous la main du Maître, mais dans un cerveau algorithmique. Elle sera adulée ou décriée. On se pressera avec ferveur et curiosité pour voir « The Next Rembrandt », le résultat d’un pari fou. Celui de scientifiques et d’experts de l’art qui ont imaginé, avec les progrès de l’intelligence artificielle, ressusciter le génie humain. Et créer de toutes pièces « l’œuvre d’après », celle que le Hollandais aurait pu réaliser. Pour obtenir cette œuvre, impressionnante de véracité, 346 tableaux du peintre, découpés en 168 263 fragments, ont été scannés par une machine intelligente. Elle s’est employée pendant dix-huit mois à plonger au cœur des ombres et des regards, à passer au peigne fin les moindres recoins des toiles, à comprendre, au-delà du vernis qui les protège depuis des siècles, les secrets de la création de Rembrandt van Rijn. « Génial! » s’exclameront certains devant cette prouesse technologique alliant apprentissage profond (« deeplearning ») et impression 3D. « Insensé » rétorqueront d’autres*.
Mais la question de l’art, de l’émotion, du savoir-faire, de la sueur et du geste qui président à toute création (et particulièrement pour la peinture dite « rétinienne »), reste en suspens. Que vaut le résultat de la prouesse technologique lorsqu’elle clone, virtualise un génie? Que vaut ce « copier-coller » extrêmement sophistiqué? Que vaut le travail du faussaire?
(D’après Véronique Bouvet – 01net)
*Ne le trouvez-vous pas extraordinairement fade? Il y manque ce tremblement de nuit, cette imperceptible marque de fragilité, cette grâce qui rend la peinture de Rembrandt éminemment humaine et que la machine est impuissante à rendre car elle (N’)EST (QUE) machine…
Illustration: Photographie Ing/Microsoft/J Walter Thompson Amsterdam/The Next Rembrandt.