imageferli16Lors de son intervention télévisée, lorsqu’il fut interrogé sur les rassemblements de « Nuit debout » place de la République, notre président, avec cette placide facilité qu’on lui connaît pour « acter » les évidences, déclara qu’ils étaient « légitimes ». Ce mot aussi anodin et « légitime » qu’il soit, suscita soudain en moi comme une gêne, voire une irritation. C’est le mot transparent par excellence, qui vous rend transparent quand il s’agit d’exprimer une opinion, prendre un parti sur un sujet délicat; il vous dispense de vous « mouiller » tout en ayant dit, n’empêche, que vous étiez sensible à, conscient de, concerné par, etc. Bref, vous avez sauvé la face au moindre coût. S’agissant du président « normal », on peut penser qu’il est dans la nature de la « normalité » de tout légitimer, comportement pléonastique s’il en est, dont dérivent dans les actes, les atermoiements et l’indécision que l’on sait.
Quoi qu’il en soit, ce tour de passe-passe est fort en usage chez nos politiques, à droite comme à gauche, mais surtout à gauche où l’on est consensuel contre vents et marées – surtout si les vents sont contraires et les marées à fort coefficient… Il participe d’une certaine manière de la « culture de l’excuse » qui permet tant de pirouettes, de doubles saltos et autres contorsions pour ouater le réel, lisser ses rugosités. En fait, piètre manœuvre dilatoire pour retarder l’affrontement, l’épreuve de force, le moment de vérité. Il y a là un double-jeu, une science de l’esquive, un attentisme immanent (et hypocrite) qui paralyse notre société où jamais aucune question ne reçoit véritablement de réponse. La fameuse et toujours actuelle « crise » ne serait-elle pas aussi, le résultat subséquent de l’honnête et prudente « légitimation » de tout ce qui dérange, de tout ce qui va mal? On a légitimé, tout va bien, circulez… On obtient la paix sociale en banalisant tout épiphénomène issu 
de la crise. Celle-ci a donc « bon dos » et les hommes politiques se frottent les mains, pour ne pas dire qu’ils se les lavent…

Illustration: BFMTV.

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Patrick Corneau