Bartheshmorganlettrine2R. B. aurait eu cent ans cette année. Aussi paraissent des hommages d’intérêt et de qualité divers. Parmi les plus réussis, L’Age des lettres, d’Antoine Compagnon. Belle évocation d’un élève puis d’un ami (d’un collègue posthumément) empreint de respect et de reconnaissance, d’une empathie pleine de probité qui ne s’égare jamais dans l’anecdote ou des confidences vulgaires* – il y a même une certaine tendresse distante (compréhensible par l’écart d’âge), gage de sincérité et de qualité de cette relation.
La seule (petite) chose qui m’a gênée est ces formules qui reviennent assez souvent: « Je ne saurais dire siCapture_decran_2015-09-15_a_22.50.15 Roland me parla de… », « si j’étais présent lors de… », etc. De nombreux éléments de ce récit ne semblent pas sûrs quant à la véracité ou l’existence même de leurs sources, ce qui n’empêche pas Antoine Compagnon de les développer. « Puisque je fais le récit plus ou moins sincère de notre amitié » est-il écrit page 129, mise en garde d’une belle honnêteté de la part d’un spécialiste de Proust et de Montaigne qui sait bien que l’on « fictionne » toujours un peu ses souvenirs… Il y a aussi quelques répétitions regrettables: parlant du Collège de France, A. Compagnon nous dit à deux reprises que « les dames s’y bousculaient pour entendre Bergson ».

Un élément touchant de ce récit est l’évocation de la France giscardienne qui, soudain, nous paraît à des années-lumière, colorant cette fresque d’époque d’une douce mélancolie.

* Entre les lignes apparaissent tout de même des remarques subreptices sur la manière dont Barthes cloisonnait ses amitiés, A. Compagnon avoue n’avoir jamais fait partie du « premier cercle », celui des amis intimes, des confidents.

Illustration: GRAEME-BAKER © SIPA / Éditions Gallimard.

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Patrick Corneau