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Faut-il aimer « Titus n’aimait pas Bérénice »?

clementine_melois_couverturferli16Nathalie Azoulai, ancienne élève de l’ENS, agrégée de lettres, outsider du Prix Goncourt (par ailleurs seule candidate femme et seule à ne pas traiter de l’Orient dans son roman) a obtenu le prix Médicis 2015 avec Titus n’aimait pas Bérénice (P.O.L).
14535992Il est heureux que ce livre ait eu un prix littéraire, au moins cela pourra possiblement inciter les lecteurs à relire, ou plus vraisemblablement lire Jean Racine.
Ayant été plongé dans la grâce austère du jansénisme par le beau livre d’Hélène Raveau, j’attendais beaucoup de ce Titus n’aimait pas Bérénice. Et puis j’avais été intrigué (et plutôt séduit) par les prestations de Nathalie Azoulai chez A. Finkielkraut et à la Bibliothèque Médicis de Jean-Pierre Elkabach.arton477
Las, je suis déçu. Les qualités intrinsèques de cette biographie romancée, ne m’ont pas vraiment convaincu. Le prétexte du chagrin d’amour qui pousse la narratrice vers l’œuvre de Racine et la lecture « thérapeutique » qu’elle en fait n’occupent que quelques pages, alors que c’est la vraie originalité du livre. On aurait aimé voir explorées les vertus curatives de cette rencontre à la fois mentale et langagière, explicitée la conjonction inattendue entre une œuvre du XVIIe et une déception sentimentale contemporaine.
Non, la structure est déséquilibrée et l’ensemble du texte bascule dans une longue et fastidieuse reconstruction biographique de l’ascension sociale de Racine et de l’éclosion de son génie créateur dans les parages de quelques figures féminines fortes. C’est dans un style, somme toute, mécanique et sans grande mordacité que le récit progresse. Certes, on échappe au ton scolaire par des fulgurances (au bord de l’aphorisme)  mais qui n’égalent pas les hiératiques splendeurs de la phrase racinienne.
Par contraste, le Racine de Thierry Maulnier (Folio essais n°98 Gallimard) que j’ai repris à cette occasion m’a paru LE monument critique incontournable pour comprendre et apprécier le singulier génie de Racine et sa vitalité toujours actuelle (particulièrement l’éclairant chapitre VIII: « Connaissance des cœurs » qui donne la clé du livre de N. Azoulai).
Sans être assommant, il y a dans Titus n’aimait pas Bérénice un peu d’ennui qui n’a pas les mystérieuses et fécondes beautés de l' »ennui » racinien…

Illustrations: Couverture détournée de Clémentine Mélois, photographie ©JOEL SAGET/AFP et Éditions P.O.L.

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Patrick Corneau