Koto, voix et contrebasse, les trois éléments ici d’un album très inhabituel et d’une réussite totale. Le vétéran bassiste suédois Jormin – connu pour ses propres albums et son travail avec Bobo Stenson et Charles Lloyd – s’est adjoint les 25 cordes du koto de l’extraordinaire Karin Nakagawa et la voix ensorcelante de la chanteuse folk suédoise Lena Willemark. Enregistré en Suède en mai 2013, on se délecte à l’écoute de quelque chose à la texture totalement inclassable tout au long de la douzaine de morceaux composés par l’un ou l’autre des musiciens. Jormin croise des musiques, ambiances de différents horizons (Europe du nord, Moyen orient, Japon) avec un réel bonheur. Une preuve musicale que les traditions lorsqu’elles sont maîtrisées (et non pas plaquées les unes sur les autres ou vaguement (con)fusionnées) se rejoignent sur un plan de beauté universel. D’où le sentiment d’entrer dans quelque chose qui participe nettement du chant incantatoire, de la mélopée à consonance disons… chamanique. Ce qui, après tout, relève de la définition de la musique telle que la concevait Paul Valéry: « Être dans une œuvre de l’homme comme poissons dans l’onde, d’en être entièrement baignés, d’y vivre, et de lui appartenir*. »
Un « Objet Sonore Non Identifié » dans le catalogue de la firme ECM qui, là encore, nous surprend par son audace, son non-conformisme musical. A déguster de toute urgence lentement.
* Eupalinos, l’Âme et la danse, Dialogue de l’arbre, Gallimard, coll. « Poésie », p. 42.
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Illustrations: Photographie ©ECM Records / ©Vidéo Mta Production AB.