Chaque matin, une ville n’échappe pas à la nécessité de se produire avant de se reproduire. Elle ne s’est pas logée une fois pour toute dans la fixité de notre horizon – sans se renier, elle nous présentera un visage différent de celui de la veille.
Ainsi Paris au mois de juillet, les clairons de l’aube, les accents strident d’un quartier en train de s’éveiller puis, à midi, des cris de triomphe comme si l’éternité nous était promise, le désir d’en découdre avec ce qui n’est pas l’été et seulement l’été. Le soleil tourne, l’après-midi avance, pour certains elle se traîne. Sur la place la lumière découpe ses ombres: une effraction dans l’Etre comme pour inviter quelques mortels à vivre au-dessus de leurs moyens. Sur le coup de vingt heures, j’entends le fleuriste baisser son rideau de fer, les habitués se répandent dans les cafés. Les évanescences de l’apparaître se pavanent aux terrasses – reprenant leur souffle elles espèrent une nuit qui sera plus belle que leurs jours. Avec la nuit les voitures se font plus rares, entre les balbutiements de la fontaine quelques buveurs hurlent de bonheur (et peut-être d’ivresse) aux étoiles car, après tout, le soleil n’est qu’une étoile un peu plus ardente que les autres.
Demain, Paris sonnera la charge d’une autre manière et je répondrai différemment. Je m’interrogerai pour savoir si ce matin-là les bruits dénoncent la pluie ou proclament le beau temps, heureux que les silences prennent encore place à l’intérieur de mélodies, de rythmes casaniers. Heureux que le monde soit, non pas aimable, mais qu’il me parle et qu’il existe pour moi.
Quand l’été aura pris fin, je saurai que ce bel été – que l’on prétend éternel – aura pour toujours disparu au même titre que mes flâneries dans des rues hasardeuses (car une ville est partout et nulle part), au même titre que l’angoisse qui mi-août s’annonçait pour me tracasser avec la béance de la sinistre Rentrée, sale, bruyante, encombrée.
Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.