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La littérature est, comme qui dirait, un objet transitionnel avec lequel on règle les comptes qu’on a… avec la vie.

« Balzac compense par la littérature son sens médiocre des affaires. Stendhal répare par la littérature ses malheurs en amour. Flaubert assortit la littérature à un godemiché avec lequel on l’encule. Beaumarchais saute de la littérature à la vente de canons. Rimbaud quitte la littérature pour écouler des fusils. Sainte-Beuve profite de la littérature pour fusiller les autres. Proust prétexte la littérature pour ne plus voir personne. Artaud abomine la littérature qui le fait interner. Céline maudit la littérature qui lui vaut tant d’emmerdes. Camus voit dans la littérature un exercice sans finalité. Claudel croit que l’objet de la littérature est d’apprendre à lire. Cendrars taxe la littérature de voyage sans histoire. Malraux juge que tout ce qui n’est pas littérature est pire qu’elle. Robbe-Grillet conspue la littérature. Gadenne juge qu’il serait temps qu’on prenne la littérature au sérieux. Cravan place la boxe plus haut que la littérature. Vaché tourne le dos à la littérature avant même d’y être entré. Breton estime que la littérature est un triste chemin qui mène à tout. Perros décrète que la littérature n’a aucun avenir. Chaillou considère que la littérature n’est que le roman d’hier. Manganelli trouve que la littérature n’est que recherche d’ombre. Cioran tient la littérature pour le néant du siècle. Simon pense que la littérature n’a d’autre sujet qu’elle-même. Stein avance que les Français n’ont aucune disposition pour la littérature. Sternberg n’aime pas la littérature. Hemingway pense que la littérature est en première ligne quand tout va mal. Michaux se fout de la littérature. Roussel voit dans la littérature un rébus irrésolu. Vila-Matas prétend que l’échec et la littérature ont partie liée. Queneau prend la littérature pour une occupation d’oisifs. Kafka ne s’intéresse pas à la littérature. Il EST la littérature. Calvino assigne à la littérature des objectifs impossibles à atteindre. Borges conçoit la littérature comme un leurre poétique. Paz soutient que la littérature moderne se doit d’être critique. Vian arrête la littérature car elle ne sert à rien. Drieu La Rochelle considère que la littérature est finie. Barthes assure que la littérature, c’est la rature. Dantzig dit que la littérature n’existe pas sans les écrivains. Sartre trouve que si la littérature n’est pas tout, elle ne vaut pas une heure de peine. Attablé à Strasbourg devant une choucroute mâchée sans appétit, il s’écrie devant le Castor: ‘La littérature, c’est de la merde!' »
Patrick Roegiers, La traversée des plaisirs, Grasset, 2014.

Et vous, lecteur, que faites-vous avec la littérature?

Illustration: Installation de Alicia Martin.

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Patrick Corneau