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« Au cours de l’émission d’Alain Finkielkraut, Répliques, à laquelle participaient deux historiens de l’art contemporain, l’un des deux s’est exclamé: « On ne va tout de même pas parler du beau, du sublime », à quoi Finkielkraut a répondu, mais presque en aparté : « Pourquoi pas? »
C’est un fait surprenant en effet que le mot « beau » semble ainsi généralement prohibé, et justement quand on parle d’art. Or, ce mot vient de plus loin que d’aucune théorie, il nous monte aux lèvres spontanément, devant un paysage par exemple, sans qu’on puisse même imaginer le mettre en doute, sans qu’on ait à se demander ce qu’il signifie alors.Fario13
A plus forte raison au concert, au musée ou dans nos lectures. Nous n’en sommes pas encore à chercher dans les villes les monuments ou les quartiers les plus laids, ni à souhaiter entendre au concert ce qui nous déplairait le plus. Même si la notion du beau a changé et changera encore. Pour moi, il m’est arrivé de rencontrer le « sublime », de ne pas trouver de mot meilleur pour essayer de qualifier ce que j’avais alors rencontré, et je n’en démordrai pas.
Que dirait-on d’une race de « nouveaux gourmets » qui se mettraient en quête de la plus mauvaise cuisine possible et refuseraient l’usage du mot « bon »? (8 janvier 2000)
Philippe Jaccottet in Tache de soleil, ou d’ombre (notes des années 1952-2005), Le bruit du temps, 2013.

ferli4Ce texte est cité en exergue de l’excellente livraison de la revue Fario 13 dont le thème est: « Qu’avons-nous fait de la beauté? » – Avec toujours des textes d’une beauté térébrante de Baudouin de Bodinat (« Au fond de la couche gazeuse – IV »).

Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique (cette admirable mention au crayon calligraphiée sur la page de garde de l’exemplaire de Fario 13 de la médiathèque Marguerite Duras prouve qu’il y a encore des bibliothécaires qui savent écrire bellement.)

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Patrick Corneau