« À la blondeur sont dévolues l’enfance, la douceur et la naïveté, qualités dites ‘féminines’. En contrepoint, la brune incarne le côté obscur. Excepté Blanche-Neige, les héroïnes des contes traditionnels ont des cheveux de miel. Dans le dos des méchantes sœurs, des marâtres, des sorcières se tordent des chevelures noires. Disgrâce supplémentaire, il est fréquent qu’on la peigne laide. Pourquoi cet anathème jeté sur la brune? Parce qu’on la juge masculine. La brune fait peur aux hommes en raison de sa virilité supposée. Aux yeux d’Hitchcock, elle est une figure terrienne, dégageant une sensualité trop immédiate. Pour contrebalancer cette engeance, il recherche des blondes éthérées, irréelles. Dans Pas de printemps pour Marnie, l’héroïne incarnée par Tippi Hedren change de couleur de cheveux. Quand on la découvre voleuse, elle est brune. Puis, elle retrouve sa couleur claire naturelle. C’est à ce moment-là qu’elle se révèle frigide. Subtile distinction! La brune est criminelle, la blonde glaciale. À celle-ci la pureté, à celle-là la sensualité agressive. »
Elsa Marpeau,  Petit éloge des brunes, Folio 2€.

Qu’en pensent les blondes? (euh, les brunes ont aussi droit au chapitre).
Un petit essai drôle et faussement superficiel par une brunette très futée et très informée, voire même érudite quand sa démonstration le nécessite. On apprend ainsi que l’engouement pour la blondeur (mode imposée par l’ennemi du Nord) sévissait déjà chez les dames romaines, ce dont se moquait Properce dans ses Elégies: « Pourquoi imiter follement la ridicule coutume du Breton? pourquoi t’amuser à teindre tes cheveux d’une couleur étrangère? Le plus beau visage est celui que donne la nature, et les couleurs du Belge ne siéent nullement sur une tête romaine. Qu’elle soit accablée de mille maux après la mort, celle qui fut assez ridicule pour déguiser sa chevelure! Toujours, à mes yeux, oui, toujours tu seras belle; ta beauté me suffit, pourvu que tu écoutes souvent mes vœux. Le blond, d’ailleurs, mérite-t-il donc nos hommages, parce qu’une femme aura couvert ses tempes de cette couleur mensongère? »
On y apprend aussi (p. 54) que le dilemme trivial brune vs blonde est surmontable: il suffit de mixer (mécher?) et de devenir une ‘brune-blonde’ ou ‘blonde-brune’, comme Rousseau y invite dans Les Confessions: « Mademoiselle de Breil était une jeune personne à peu près de mon âge, bien faite, assez belle, très blanche, avec des cheveux très noirs, et, quoique brune, portant sur son visage cet air de douceur des blondes auquel mon cœur n’a jamais résisté. » C.Q.F.D.
En passant Elsa Marpeau pose la question qui tue (et qui rassurera toutes les brunes de la terre): « Si la Joconde avait eu des cheveux d’or, l’eût-on distinguée? »

Lio n’avait-elle pas tout dit?
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Illustration: Folio, Éditions Gallimard.

  1. catherine says:

    Blondes rousses ou brunes, pourquoi les femmes coupent-elles leurs cheveux ? Un ami me raconte que quand ses parents se disputaient, sa mère avait toujours le dessus lorsqu’elle détachait ses cheveux (ramassés en chignon), les secouait sur ses épaules, avec ce geste « désarmant » elle avait le dernier mot, venait à bout d’un mari soudain à court d’argument.
    Bien à vous,
    Catherine

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Patrick Corneau