<p style= »text-align: justify; »><a href= »http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/files/2013/05/P10101781000.jpg » target= »_blank »><img style= »border: 1px solid black; margin: 5px; » title= »P10101781000″ src= »http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/files/2013/05/P10101781000.jpg » alt= » » width= »514″ height= »309″ /></a>L’exposition consacrée à Guy Debord à la BnF (site François Mitterrand) suscite forcément quelques sarcasmes: on se gausse de la « récupération » de l’auteur de <em>La société du spectacle</em>… Bruno Racine le directeur de cette prestigieuse et souvent contestée maison a eu la réponse adéquate: <strong> »Si une institution patrimoniale telle que la BnF ne devait accueillir que les écrivains conformistes ou amis de l’ordre établi, ses collections seraient assurément beaucoup moins intéressantes… y compris pour ceux qui se réclament d’une inspiration révolutionnaire. Personne, je pense, ne trouve incongrue la présence à la BnF des manuscrits de Sade ou de Céline. »</strong>
Reconnaissons que l’exposition est, dans sa conception et son agencement, vraiment remarquable: tout autour du « cabinet de lecture », soit deux murs immenses et translucides regroupant une sélection des 1400 fiches de lectures que Debord a consignées pendant plus de quarante ans, les organisateurs ont disposé des salles consacrées à une époque ou thème dominant de sa vie, permettant ainsi un parcours chronologique.
En entrant dans l’exposition on entend la voix de Debord: anonyme, sans vie, un ton triste et compassé, détaché, presque neurasthénique qui tranche avec la vigueur des slogans de celui qui n’acceptait que le seul qualificatif d’<em>enragé</em>. Prévoir du temps: il y a beaucoup à lire, et même des lorgnons ne sont pas de trop car les yeux se fatiguent vite sur l’écriture microscopique du penseur-agitateur, tout à l’opposé de ses grandiloquentes déclarations et injonctions. Les nombreuses vidéos laissent perplexes: les années 60 y paraissent bien grises, opaques, une ambiance générale de préau qui n’appelle pas vraiment la nostalgie. C’était la vieille humanité à inhibitions moralisantes et auto-disciplinaires, les temps rudes et mornes avant l’Age du libre-accès. Époque insouciante où les gens fumaient dans les avions, les cafés, les salles d’attente.
A la fin de l’exposition, il apparaît que le premier mouvement de la conscience détrompée est de s’appliquer à reconnaître ses naïvetés antérieures et de rechercher un point ferme. En se tournant vers des sagacités oubliées, F. Nietzsche par exemple: <strong>
« Quand on est jeune on révère et on méprise sans rien connaître encore de cet art de la <em>nuance</em> en quoi consiste le meilleur acquis de la vie, et, comme de juste, on paie cher pour n’avoir eu à opposer aux hommes et aux choses qu’un oui et un non. Tout se passe comme si le pire de tous les goûts, le goût de l’absolu, devait être cruellement berné et maltraité jusqu’à ce que l’on apprenne à introduire un peu d’art dans nos sentiments ou, mieux encore, à ne pas mépriser l’artificiel, comme le font les vrais artistes de la vie. »</strong> <em> Par-delà le bien et le mal</em>, 31.</p> <p style= »text-align: justify; »><a href= »http://www.flickr.com//photos/lorgnon_melancolique/sets/72157633502206395/show/ » target= »_blank »>Ici</a>, quelques extraits du livre d’or de l’exposition (Debord aurait-il aimé s’y voir paraphrasé, détourné, parodié, bousculé?).</p> Illustration: photographie ©Lelorgnonmélancolique.<strong> </strong>

  1. L’exposition Debord à la BNF inspire au blogueur Le lorgnon mélancolique cette belle citation de Nietzsche :
    « Quand on est jeune on révère et on méprise sans rien connaître encore de cet art de la nuance en quoi consiste le meilleur acquis de la vie, et, comme de juste, on paie cher pour n’avoir eu à opposer aux hommes et aux choses qu’un oui et un non. Tout se passe comme si le pire de tous les goûts, le goût de l’absolu, devait être cruellement berné et maltraité jusqu’à ce que l’on apprenne à introduire un peu d’art dans nos sentiments ou, mieux encore, à ne pas mépriser l’artificiel, comme le font les vrais artistes de la vie. » (Par-delà le bien et le mal, 31.)

    http://lorgnonmelancolique.blog.lemonde.fr/2013/05/20/lenrage/

    J’épouse cet aphorisme nietzschéen, qui comme toujours aide à penser, avant de m’apercevoir immédiatement que si j’en inversais radicalement les termes, je l’approuverai encore. Ce qui donnerai ceci à peu près : – Quand on est jeune, on paie cher l’artificiel qui sera justement maltraité et berné jusqu’au moment où l’âge mur permettra enfin d’opposer aux hommes et aux choses de vrais oui et des non…

    Peut-être qu’il faudrait cesser de considérer contradictoirement jeunesse et vieillesse (quand même on suppose que si elles « savaient » ou « pouvaient », etc).

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Patrick Corneau