J’ai dit récemment combien l’angélisme militant de Michel Serres à propos du numérique était agaçant par son côté dogmatique (revendiquant presque une sorte d’infaillibilité papale…). Notre ravi de la crèche numérique s’entretient ce mois-ci avec la Revue Des Deux Mondes où, après une nouvelle pique* à Finky, il justifie son optimisme à tout crin de la manière suivante:
Revue des Deux Mondes – Vous avez toutes les raisons d’être optimiste…
Michel Serres – Si je voulais être célèbre, je parlerais surtout des catastrophes, comme TF1, France 2 ou les journaux. Mais ce n’est pas la question. C’est de savoir comment vont survivre mes petits-enfants, mes étudiants et Petite Poucette. J’ai de la tendresse pour elle et je voudrais l’aider à vivre dans le monde que j’ai construit pour elle, car c’est moi le responsable de ça, c’est ma génération qui a inventé le monde dans lequel Petite Poucette vit… Et par consé­quent si je me pose des questions catastrophiques, je vais l’acculer au désespoir. Parce que j’ai la responsabilité de cette génération suivante.
Revue des Deux Mondes – Vous n’évoquez délibérément pas les écueils. Pourquoi ?
Michel Serres – Les gens qui évoquent les écueils, il y en a cent cinquante mille à côté de moi. Je les compare à un personnage des Aventures de Tintin, Philippulus le Prophète, qui est un vieux con clamant: « La fin du monde est proche! » Il y en a partout dans ce monde. Ce sont eux les responsables de ce monde-là, ils sont non seulement ridicules mais ce sont en plus des salauds!

Michel Serres me fait penser à un Professeur Tournesol (la loufoquerie et le chapeau melon en moins) qui aurait trouvé un iPad sur la commode de la Castafiore et qui n’en reviendrai pas…

* « Et celui qui n’a pas l’expérience du numérique ne peut pas comprendre ce monde-là. Pas plus que ce que quelqu’un comme Socrate compre­nait à l’âge de l’écrit. Comment voulez-vous que des philosophes qui n’ont pas d’ordinateur et qui parlent à la télévision, à la radio, disent quelque chose du monde contemporain? C’est impossible. Ils ne peuvent pas dire quoi que ce soit de judicieux sur le monde contemporain. »

Illustration: « Voile mains libres », photographie de Véhesse/Flickr

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Patrick Corneau