C’est un livre qui, le premier, m’a livré la langue mystérieuse et pure du ciel. Ce devait être un jeudi ou un samedi après-midi, dans la lumière grise d’une vie d’enfant solitaire, la splendeur de l’univers me fut soudain révélée par la prose élégante de Pierre Rousseau et de son Jean-François, astronome – modeste volume de vulgarisation qui avait paru chez Hachette l’année de ma naissance. Et j’ai tressailli de la même joie que le jour, la nuit de juin plutôt, où le ciel nocturne de l’île d’Oléron m’avait révélé le grandiose opéra de la Voie lactée. De cette splendeur, on a la révélation dès la première fois, à l’instant où l’on se retrouve dehors, la nuit, les yeux ouverts et que, pour si petit qu’on est encore, le sentiment de l’infini vous soulève. Nulle joie ne passe celle-ci puisqu’il n’existe rien de plus grand, de plus resplendissant que la voûte étoilée.
Plus tard, lorsque j’ai cherché à prolonger ce trouble, ce sentiment que d’aucuns appelleraient océanique ou cosmique, je suis allé chercher dans les livres et les cartes du ciel la poésie dont la magique vertu pourrait raviver le saisissement énorme, plus qu’humain, dont nous sommes susceptibles malgré la petitesse et la caducité qui sont notre lot. Aldebaran, Altaïr, Antarès, Deneb, Rigel, Vega, qu’on se serve de la forme arabe ou latine que leur nom a prise dans notre langue et la majesté des astres se met à rayonner, ruisseler, en plein jour, et le sentiment de l’infini nous submerge. Comment peut-on dès lors considérer l’homme comme référent? L’humanisme, l’idée d’un ordre du langage primant sur l’ordre du cosmos, d’une conscience plus vaste que le ciel, ce sont des choses que je n’ai jamais pu saisir…
Illustrations: photographie ©Lelorgnonmélancolique et Hachette éditeur
Et dire qu’il a fallu 10 mois pour que je m’aperçoive que vous avez repris vos lorgnonneries, je m’en veux.
Pour Jean-François Astronome, je l’ai aussi dans ma bibliothèque depuis probablement 55 ans ! Je lui dois aussi le goût de l’astronomie, c’est sur son modèle que j’ai construit ma première lunette et c’est aussi lui qui a mis le doute sur la sincérité de l’auteur. La monture équatoriale qui apparaît dans la figure 29 page 97 et dont la construction est décrite et illustrée de la page 105 à la page 112, refiguré page 137 et 145 est un non sens mécanique. Si Pierre Rousseau l’avait construit, il l’aurait tout de suite démonté pour le refaire autrement. Par contre le spectroscope de la page 152 est une merveille que j’ai imitée tout de suite après avoir tanné ma mère pour qu’elle m’emmène acheter un prisme (que j’ai toujours) chez Deyrolle.
Ah l’esprit de géométrie… Vous êtes dur avec Pierre Rousseau, tant pis pour le « non sens mécanique » pourvu qu’on ait l’ivresse de l’infini cosmique!
Bien amicalement. 🙂
La poésie des hautes sphères est bien plus belle que celle des noms d’oiseaux, bien que la constellation du Cygne soit reconnue… L’esprit s’élève au fur et à mesure qu’il file à l’horizon des mondes lointains. J’aime beaucoup Vega de la Lyre et Bételgeuse, sans compter tous ces points invisibles à l’oeil nu.
Oui, pour ma part restent marqués les lieux où j’ai pu voir pour la première fois certaines constellations, la Croix du sud par exemple: d’abord en plein Sahara, à Timimoun, je crois, puis plus tard la même dans le ciel de Bahia au Brésil.