« ‘Arrivé sur la place de la Concorde, ma pensée était de me détruire.’ (Gérard de Nerval, Aurélia, 1855). C’est la phrase la plus émouvante de toute la littérature française… »
E. M. Cioran, 23 février 1972, Cahiers, 1957-1972, Gallimard, 1997.
« Je me promis que si je sortais un jour de mon empire (…) la première chose que je ferais serait de venir à Venise, louer une chambre au rez-de-chaussée d’un palazzo de sorte que les vagues soulevées par les bateaux éclaboussent ma fenêtre, écrire quelques élégies en éteignant ma cigarette sur le sol de pierre humide, tousser et boire et, quand l’argent viendrait à manquer (…) m’acheter un petit browning et me brûler la cervelle sur place, incapable de mourir à Venise de mort naturelle. »
Joseph Brodsky, Acqua Alta (traduit de l’anglais par Véronique Schiltz et Benoit Cœuré), Gallimard, 1993.
Illustration: photographie de kirstend/Flickr.
La vie n’allait pas assez vite en moi, je l’accélère. La courbe mollissait, je la redresse. Je suis un homme. Je suis maître de ma peau, je le prouve. […] Un revolver, c’est solide, c’est en acier. C’est un objet. Se heurter enfin à l’objet.
Le Feu follet (1931), Pierre Drieu La Rochelle, éd. Gallimard, coll. Le livre de poche, 1967, p. 178
En contrepoint à la pensée de Cioran, toujours ‘Aurélia’, quelques lignes plus loin :
« En m’éveillant, je fus étonné de revoir la lumière. »
contrepoint d’une autre époque et d’un autre style 🙂
DORINE : « Fort bien : c’est un recours où je ne songeais pas ;
Vous n’avez qu’à mourir pour sortir d’embarras ;
Le remède sans doute est merveilleux. J’enrage
Lorsque j’entends tenir ces sortes de langage. »
Molière – Tartuffe : acte I – scène III
cioran toujours la classe, mais brodsky plutôt poseur sur ce coup-là