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A certaines questions « ultimes » on voudrait répondre par un exposé brillant et l’on s’empêtre dans quelques considérations fumeuses. Soudain nous lisons dans les yeux la déception, l’instant où l’élève s’aperçoit que le professeur tourne autour de l’énigme et n’en connaît pas la solution. On continue à divaguer encore un peu mais on a déjà trahi son impuissance. Lorsque l’élève s’éloigne, on sait que l’on a trahi un(e) enfant, et cela aussi appartient à notre métier, la corruption « socratique » de la jeunesse. En démantelant sa propre autorité, le professeur les renvoie à un monde sans solutions. Il n’est pas drôle de rendre les gens adultes surtout quand ils n’ont pas encore perdu l’éclat de leur candeur ou leur capacité d’étonnement. L’enseignement est aussi une forme du désenchantement.

Sur le même sujet, phrases glanées lors de l’émission La Grande Librairie (France5) jeudi dernier où des prof’ (et non des professeurs) étaient invités :

– Etre prof’, c’est être quitté tous les ans et faire avec. (Jean-Philippe Blondel/prof’écrivain).

– Vous êtes condamné à perpétuité à la rupture, à l’abandon… (commentaire de François Busnel, présentateur)

– Le prof’, c’est un individualiste qui a l’esprit collectif. C’est le ‘on’ et le ‘je’ (Jean-Philippe Blondel).

Bien (je pense surtout que l’enseignement est un don constant du souffle et du sang, tout autant que de l’intelligence et du coeur). Mais que penser d’un prof’écrivain qui parle de ses trente-z-élèves (sic)!?

Illustration: photographie archives George Eastman House

  1. Rodrigue says:

    Les profs sont souvent presqu’aussi immatures que leurs élèves. Même si, dans leur énorme majorité ils ne mettent pas d' »s » à trente. Il est vrai que c’est, sans aucun doute, avec psychiatre, le métier le plus déstabilisant que je connaisse. (J’oublie policier) Cette profession ne favorise nullement une évolution humaine harmonieuse. Combien d’enseignants se déforment au cours des années, coincés dans problèmes insolubles, tant vis-à-vis de leurs élèves (et comment ne le seraient-ils pas ?) que vis-à-vis de ceux qui les emploient! Le pire est sans doute que ce sont les plus désiquilbrés d’entre eux, en début de carrière, qui évoluent le moins mal. Qui a dit « Heureux les fêlés car ils laissent passer la lumière! »?

  2. lignesbleues says:

    Rodrigue, ce déséquilibre étant juste une coquetterie des doigts sur le clavier, vous êtes pardonné (un concept un peu judéo-chrétien) et nous qualifierons cette petite erreur d’étourderie (sanctionnée seulement d’un quart de point).

    Il y a bien d’autres métiers où l’on s’expose (médecin, guichetier ou caissier, gardien de prison…) tout ceux qui supposent beaucoup de contacts humains. A l’opposé il y a les Temps modernes, et entre les deux beaucoup de métiers, pas toujours faciles. Sans compter les sans-métier. Les enseignants transmettent des savoirs (ils ne sont pas les seuls) et doivent tenir le rôle de « modèle » (comme les parents), ce qu’en tant qu’êtres humains ils sont rarement. Constituent-ils vraiment une profession à part ? Doivent-ils se considérer comme tels, doit-on les considérer comme tels ? Cela n’empêche pas d’admirer leur boulot.

  3. une souris verte says:

    … et que penser d’un homme de lettres qui écrit  » je pense surtout que l’enseignement et un don constant » au lieu de  » est un don constant » ?
    Simplement qu’il a fait un lapsus calami tout comme le prof’ un lapsus linguae …
    PS : Prof moi-même, un peu fatiguée des poncifs en la matière …

    Merci d’avoir décelé ce « lapsus calami » (« glissade de touche »?) qui m’avait échappé et désolé de vous imposer des poncifs (j’appartiens à une génération qui a eu la candeur de les prendre au sérieux et ne le regrette pas quand elle voit ce qu’est devenu le « métier »). 🙂

  4. une souris verte says:

    … Vous êtes terrible ! 🙂
    La dégradation du niveau moyen de l’enseignant est due aussi à la déliquescence générale de la société … On nous demande l’excellence lorsqu’elle s’écroule de toutes parts …
    Ne faites pas de nous de confortables boucs émissaires pour satisfaire une logique un peu … simpliste !
    Amicalement ce nonobstant : j’aime depuis longtemps suivre vos mélancoliques méandres de laudator temporis acti … Elles sont toujours savoureuses ! 😉

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Patrick Corneau