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Dans « Les murailles et les livres » (Autres inquisitions, Gallimard, 1952), J. L. Borges dit: « La mu­sique, les états de félicité, la mythologie, les visages travaillés par le temps, certains crépuscules et certains lieux veulent nous dirent quelque chose, ou nous l’ont dit, et nous n’aurions pas dû le laisser perdre, ou sont sur le point de le dire; cette imminence d’une révélation, qui ne se produit pas, est peut-être le fait esthé­tique. »

hmorganlettrine2.1281963060.jpgQuels noms donner à ces paysages, ces livres, musiques, tableaux, ces êtres, ces foules d’émotions innommées qui sont sur le point de nous parler? A ces lumières aiguës, ces « épiphanies » qui nous interpellent, nous attachent, nous éblouissent? Il est possible que ce que l’on perd, ce à quoi on renonce se transforme en une chose sacrée. Dans le bouddhisme japonais, une statue devient un objet sacré lorsqu’elle subit un rite dénommé l’ouverture des yeux. Au cours d’une cérémonie, un moine fait une marque dans sa pupille, grâce à la­quelle l’âme l’habite jusqu’à la fin des temps. La mar­que ne confère pas la vue, mais le don d’accéder aux prières des malheureux. J’ai l’espérance qu’un moine ouvre mes yeux car je ne vois qu’à moitié, dans la pénombre, et laisse perdre ce qui fait signe.

Illustration: origine inconnue

  1. Rodrigue says:

    Je crois voir dans le regard des chats cette « imminence d’une révélation qui ne se produit pas », bien que de plus en plus, je me demande de quel côté se trouve l’attente de cette révélation, de leur coté, ou du mien. Peut-être partageons-nous cette attente, comme tout ce qui vit

  2. gmc says:

    INSTANT KARMA

    Rien n’est sur le point de
    Comme tout n’est jamais advenu
    Le langage s’éblouit de lui-même
    En farandoles que l’oreille tamise
    Selon son bon vouloir
    Ou le gré de ses fantaisies sucrées
    Qui parcourent de leurs auréoles
    Des lectures embuées
    Par les saveurs d’empire
    Et les épices d’hallucination

  3. lignesbleues says:

    dans les églises de campagne, on enterrait les statues jugées « indécentes » (au sens où nous l’entendons aujourd’hui : ah, saint Sébastien et ses pamoisons, parfois si explicites, ou tout simplement parce qu’elles avaient subi quelques altérations) faute de pouvoir leur fermer les yeux…

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Patrick Corneau