Petit à petit les librairies disparaissent, remplacées par des ongleries, salons de tatouage, etc. Celles qui résistent sont aux extrêmes: dans les gares, les aéroports où l’on vend des produits jetables pré-formatés par la mercatique et les librairies religieuses où le Sens perdure, périphérique, dans l’indifférence générale.
Scènes rapportées par C. Dantzig (Pourquoi lire?) que tout lecteur et acheteur de livres (un peu averti) aura, hélas, lui aussi vécu peu ou prou… à un moment ou un autre.
« Un bon libraire, c’est simple: c’est celui qui connaît la littérature. Tim, du Village Voice, à Paris, qui a lu Le Tombeau de Palinure de Cyril Connolly (The Unquiet Grave, 1944), en commande cinq exemplaires à la petite maison de New York qui l’a réédité et les pose sur son comptoir. Il sait que, dans sa clientèle littéraire, cela intriguera, ou rappellera un bon souvenir, et vente.
Un mauvais libraire, c’est simple, c’est l’employé d’une chaîne à qui je demande la revue Études. « La revue…? » Il cherche sur l’ordinateur c’est en Histoire. Au rayon Histoire: « La revue?… » La vendeuse cherche sous une table et me tend la Revue d’études palestiniennes. Ah non mademoiselle, je ne crois pas que ce soit ça. Son ordinateur lui dit que, en fait, la chaîne ne la vend pas. Et rien. Pas le plus petit étonnement. Pour cette jeune femme, je devais demander une petite revue de peu de cas. Voilà l’horreur de l’ignorance: elle ne se rend pas compte de la gravité de son état. Le pire est que, si j’avais expliqué que c’est la revue des jésuites, qu’elle existe depuis cent cinquante ans, qu’elle a eu de l’influence, je serais passé pour un excentrique. Un des signes des temps barbares est que l’ignorance n’a plus honte. »
Illustration: Jane and Louise Wilson « Oddments Room I »
Expliquer qu’une revue a cent cinquante années d’existence c’est, pour la petite employée, lui suggérer qu’elle est sans nul doute périmée…!!! Cela fait penser au gaullisme qui, lui aussi, serait obsolète, ou pire encore, recyclé à la sauce du national-libéralisme!
le monde des livres se porte mal … comme Le Monde.fr