« J’essaie de commencer un livre: en réalité, je ne peux plus attendre; je suis certain que pas même une page de ceci sera jamais publiée: tant pis. Je ne dirais pas que cela me fait plaisir: mais il est plus important d’écrire un livre que de l’imprimer. Une page non écrite reste en nous comme une humeur maligne, amère, qui se fait méchante; la partie qui devait l’écrire devient infirme et gangreneuse. L’incertitude de la publication m’a jusqu’aujourd’hui empêché d’écrire tranquillement ce qui me passait par la tête. À présent, la certitude de ne pas pouvoir publier m’ôte beaucoup d’inquiétude. Si écrire une quelconque sottise me donne un quelconque bonheur, il n’y a pas de raison que je ne le fasse pas. Écrire un livre est aussi un acte pratique. Cela sert à rendre supportable l’existence, à renvoyer le suicide, à donner au réverbère que nous rencontrons l’apparence d’une femme. Cela ne peut pas nous sauver, parce que rien ne peut nous sauver. C’est un rite magique, une conjuration. Peut-être ne peut-on écrire à l’enfer. »
Giorgio Manganelli (1953)
« Être seule avec le livre non encore écrit, c’est être encore dans le premier sommeil de l’humanité. C’est ça. C’est aussi être seule avec l’écriture encore en friche. C’est essayer de ne pas en mourir. C’est être seule dans un abri pendant la guerre. Mais sans prière, sans Dieu, sans pensée aucune. »
Marguerite Duras
O Giorgio, O Marguerite, mon frère, ma soeur…
Illustration: d’après une photographie de Renaud Camus.
Manganelli, encore un auteur que je n’ai pas lu. Que me conseilleriez-vous pour le découvrir ? Le texte ci-dessus me parle infiniment…
Je viens de lire « Vie de Samuel Johnson » (Ed. Le Promeneur) sinon « Le crime paie, mais c’est pas évident : Aphorismes et extravagances » chez le même éditeur est excellent. 🙂