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Exceptionnelles performances d’un petit canard en plastique

gbc49.1260724491.jpg« Les compagnies d’assurances estiment à 2000 le nombre des conteneurs arrachés chaque année aux navires, par gros temps, sur les grandes routes maritimes, soit l’équivalent de 60 000 tonnes de charge. Dans l’Atlantique Nord, en hiver, on a vu un cargo canadien perdre jusqu’à 20 conteneurs au cours d’une seule traversée. Les assurances maritimes ne sont pas légion. Il ne fut donc pas très difficile d’apprendre le nom de l’industriel dont les 10000 petits canards voguent aujourd’hui sur presque toutes les mers du monde. En dépit du manque à gagner, peut-on imaginer meilleur argument publicitaire? Tout au plus le fabricant a-t-il admis qu’au contact prolongé de l’eau de mer ses volatiles perdaient un peu de leur couleur rouge initiale. Il a promis d’y remédier. Pour le reste, les palmipèdes navigueront bien des années encore le temps de s’échouer, un à un, au sommet d’un rocher, d’une dune, ou au fond d’une vasière, un jour de grande marée. Et rien ne dit que la grande marée suivante ne les remettra pas à flot. Les océanographes, eux, restent confondus : dans bien des parages, la dérive des petits canards est nécessairement la preuve de courants et de contrecourants restés inaperçus jusqu’ici. Trop faibles pour intéresser la navigation, ces courants n’en auraient pas moins une importance essentielle sur le climat, les végétations terrestres et marines, la pollution, les migrations saisonnières de poissons et d’oiseaux, et bien d’autres phénomènes encore. »580311754_small.1260724674.jpg
D’après Marcel Cohen, Faits, II, LXXVII, Gallimard, 2007. 

 

 

Illustration: dessin de Guy Billout/Getty Images

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Patrick Corneau