« – Et voilà, tout est dit! Et quand il refuse d’embrasser des femmes qui se jettent dans ses bras…
– Les femmes se jettent dans ses bras?
– Ça arrive. Mais pas forcément des bombes sexuelles. N’importe quelles femmes. Et il refuse de les embrasser et il dit : ‘On n’est pas des Russes!’
– Mais c’est vrai! Non mais c’est vrai, à la fin! Qu’est-ce que c’est que cette manie que tout le monde a prise de s’embrasser pour un oui ou pour un non, maintenant! On vous présente à une femme, il faut l’embrasser. On vous présente à dix femmes, il faut les embrasser toutes! Et maintenant c’est même les hommes, les maris, les enfants : on les a vus trois fois, et parfois même pas, et allez, on se fait la bise. Ça vous soulève le cœur.
– Ça dépend…
– Je crois qu’il parlait du mot.
– Quel mot?
– La bise, les bises, les bisous : il ne supporte pas ça. Là je le comprends un peu, je dois dire…
– C’est mignon, pourtant, les bisous… Moi j’aime bien. Enfin c’est comme pour tout : ça dépend.
– Mais non, je regrette, ça ne dépend pas… Enfin si, un peu : je veux bien embrasser les femmes avec qui j’ai couché, ou avec qui j’aimerais bien coucher, mais embrasser toutes les femmes, les vieilles, les jeunes, les petites filles, qu’est-ce que ça veut dire? Et les hommes en plus, et les garçons, et les enfants! L’autre jour j’ai dû aller à un mariage, à Villeragues : des gens du village. On me présente un gamin de quinze ans, tout juste revenu de son lycée agricole, il m’embrasse sur les deux joues! »
Splendeur et misère des mœurs contemporaines vues par Renaud Camus dans son roman Loin, P.O.L Editeur, 2009.
Illustration: Photographie/Flickr
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