La recette du « succès » éditorial selon Pierre Assouline*.
D’abord chauffer le public avec un bon marketing maison. A savoir, être « annoncé comme ‘événement’ étant entendu que l’éditeur fait ce qu’il faut pour que le public s’en aperçoive. »
Soigner la présentation du produit: « Pour faciliter le travail du lecteur, faire apparaître sur la quatrième de couverture, une ‘scène emblématique’ afin qu’on ne perde pas son temps à la chercher. »
Bien évidemment choisir pour sujet une histoire d’amour. Si possible borderline c’est-à-dire aux frontières des tabous, des préjugés ambiants (une « liaison socialement interdite »). Relever la sauce avec quelques scènes de « baise » dont la teneur érotique tiendrait dans une phrase (encore) emblématique comme: « D’accord mais attention, te trompe pas de trou ».
Mettre tout son talent pour que « l’écriture soit juste médiocre et le propos sans intérêt. Sans saveur, sans odeur. Même pas musical (…) » que « les dialogues relèvent du grand art de la platitude; que les ‘oui’ et les ‘non’ y tiennent leur rang en solitaire, désespérément. »
S’assurer qu’ »aussitôt la lecture achevée, on ne se souvienne même plus de quoi ça parlait. De rien peut-être. »
Premier tirage à 100 000 exemplaires, succès garanti (la FNAC, Virgin sont en ruptures de stock au bout d’une semaine). Deuxième tirage à 300 000 exemplaires, les ventes repartent (remontée spectaculaire dans le box office des meilleurs ventes de l’Express, Lire, Livre-Hebdo, etc.). Des rumeurs de prix littéraire commencent à circuler…
* Remerciements à P. A. pour les citations empruntées (et adaptées pour l’écriture de ce billet) au blog La république des livres.
Illustration: oeuvre de Alicia Martin, « Biografias – Cascade of books », photographie library_mistress (flickr)
Drôle et tragique à la fois.
Ces succès de la rentrée littéraire plaisent, probablement, surtout à ceux qui ne les lisent pas, se contentant de suivre les « critiques » qui eux-mêmes ne critiquent pas mais font des papiers (je ne parle pas ici de P. A. et de son blog). Ce sont les mêmes qui ne liront jamais, non plus, « La princesse de Clèves ». Le grand mystère pour moi est : mais qui les achète ?
Oui, bonne question que je me pose aussi. Peut-être tous ces non-lecteurs dressés au réflexe pavlovien de cette critique « qui ne lit pas » et vont acheter « le dernier Christine A. » pour l’offrir à un anniversaire, les étrennes, etc. L’ouvrage se retrouvera en pénitence sur l’étagère d’une résidence de vacances, et sera peut-être lu dans 10 ans par un adolescent pour se désennuyer un après-midi d’orage… Le livre aura alors le charme désuet et un rien mélancolique des choses passées et oubliées.
Rentrée littéraire ou scolaire : le prix des fournitures bénéficie de la fumeuse « liste Darcos », on attend donc aussi la « liste Albanel » (mais comme elle confond un écrit de Siné avec un dessin, il faudrait se méfier !).
Curieux ! Je viens de trouver le même article ici : http://www.forumdesforums.com/modules/news/article.php?storyid=11473
Merci pour l’information. Effectivement mon billet a été repris et publié sans référence à l’origine ni l’auteur dans le cadre d’Esprits Libres, magazine généraliste intéractif http://www.forumdesforums.com. Contactés, les responsables du site se sont excusés de l’absence de citation, expliquant qu’il s’agissait d’une erreur.
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