Dans un beau livre d’entretiens*, l’écrivain Peter Handke avoue se considèrer comme un « joueur mélancolique ». L’écriture étant selon lui un jeu dont les effets sont comparables à ceux de la prière (Kafka définissait l’écriture comme une « forme de prière »): le fait d’être porté par des règles vous donne le sentiment d’un jeu qui peut apporter un apaisement, voire un soulagement. La formule du « jeu mélancolique » vaut surtout pour quelqu’un qui n’a pas de « matière » confie Handke, au sens où l’on aurait un « sujet » de prédilection (la politique, l’Histoire, la vie au travail, etc.). « Je n’ai pas d’autre matière, déclare Handke, que l’existence dans tout ce qu’elle a de multiforme… Ce qui permet le plus au lecteur d’accompagner, ou trouver son propre chemin en lisant, ce qui serait encore plus beau. Accompagner et voir son propre chemin, voilà ce qu’est la lecture ».
Je n’ai pas le talent de Peter Handke et toute prétention mise à part l’esprit qui anime ce blog, ou au moins l’intention qui l’oriente, sont les mêmes. Face au cynisme ambiant, cultiver une certaine mélancolie « curative » qui possiblement apporte au lecteur (et à moi-même) une confiance retrouvée, une réconciliation avec ce monde.
* Vive les illusions, Peter Handke / Peter Hamm, Bourgois, 2008.
Illustration: photographie de Stéphane Lavoué
On en a bien besoin, merci
« Une réconciliation avec le monde » je ne sais pas.
Peut-être que c’est cela,
cette réconciliation avec le monde qui est impossible.
Ce qui est possible en revanche, c’est penser que la mélancolie est ce
colloque intime,interminable, que le « moi « entretient avec le « je ».
Hors du monde.
Oui, être réconcilié avec soi-même c’est déjà un premier pas… 😉
Ceci pose la question suivante : faut-il avoir beaucoup vécu pour bien écrire ? Pour ma part, ayant peu vécu, la difficulté d’écrire est considérable. Reste la mélancolie. On finit, avec elle, par n’être plus qu’un joueur solitaire…
Flaubert le disait bien : » La vie n’est tolérable qu’à condition de ne pas y être. » ( dans la Correspondance, si je ne me trompe).