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Le privilège d’habiter nulle part, je veux dire n’importe où en France, par exemple dans un coin reculé de la Bretagne, terre de silence et de gens taciturnes, est qu’on n’est pas obligé de se dire sans cesse: Comme c’est beau! Les édifiantes phrases creuses célébrant la beauté du monde ne s’imposent pas. La nature vous fiche la paix, l’avantage étant qu’on ne ressent pas de fossé entre soi-même et l’extérieur et qu’on est pas en permanence exposé à la contrainte d’éprouver ce qu’on voit autrement que l’on se sent intérieurement ou qu’on le perçoit intérieurement. Le passage des saisons et la ronde des météores ne manifestent rien d’autre que la nécessité aveugle et apaisante de la nature. La lumière éclaire les travaux et les jours, et cela suffit. Rien ne vaut donc un paysage sans esbroufe, qui ne vous la fait pas à l’estomac, ni ne vous bluffe avec des vues panoramiques du haut de sommets qui barrent le chemin et bouchent la vue, plongent dans de charmantes vallées avec leurs ruelles de carte postale, plein de ces effets de manche géologiques qui visent au grandiose mais vous rendent mélancolique!

Pour comprendre l’esprit d’un lieu, il faut avoir le sens de la banalité, savoir s’adonner aux charmes d’une vie obscure, libre et sans entrave. Oser mettre le sablier de la vie mondaine à l’horizontal. Dans un paysage peu spectaculaire offrant un certain vide (ou un vide incertain), on peut être presque heureux.

« Les lieux sont dans le monde, le monde en aucun lieu. » Valentin Weigel penseur mystique allemand (1533-1588)

Illustration: publicité « glamour » pour promouvoir la Bretagne touristique (page d’accueil du Monde).

  1. arletteart says:

    A qui écrit -on des cartes postales ?? à soi même quand on y pense ,une page arrachée à son journal qu’on écrira pas …une photo jetable de sa vie qu’on ne revivra plus …………..ect
    extrait d’un texte lu quelque part
    Merci Lorgnon pour vos trouvailles
    AA

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Patrick Corneau