J’aime les artistes sans œuvres, ceux qui préfèrent une postérité silencieuse à la fama posthume, à la gloire tonitruante. Ainsi Félicien Marboeuf, « le plus grand des écrivains n’ayant jamais écrit », dandy légendaire qui inspira le Frédéric Moreau de L’Education sentimentale et dont le « silence » fit l’admiration de Proust: « Je parle de votre ambition littéraire comme d’un absolu », lui écrivit-il. « C’est ainsi que je crois en la valeur de votre livre qui ne contient aucune page, belle ou moins belle; toutes parfaites. »
Il faudrait faire la liste de ces défections, de ces artistes de la panne, de ceux qui préfèrent l’idée de l’œuvre à sa réalisation (Jean-Yves Jouannais, Enrique Vila-Matas s’y sont essayés): l’invisibilité même de ces pratiques sans résultat, de cette logique du rien comme œuvre, bref cette mélancolie du Refus a quelque chose de fascinant…
« La récompense de l’art n’est ni la gloire, ni le succès, mais l’intoxication. Et c’est pourquoi tant de mauvais artistes sont incapables de renoncer », disait Cyril Connolly. C’est vrai des mauvais et aussi des bons.
Illsutration: anonyme