Le Seuil vient de republier Fragments d’un discours amoureux de Roland Bathes, précédé du séminaire à l’Ecole pratique des hautes études (1974-1976) sur le discours amoureux. Je viens de relire ce texte avec un plaisir sans mélange. Werther bien sûr est le modèle romantique de l’amoureux qui sert de « patron » à Barthes. Goethe reste LA référence. Mais une certaine mélancolie à penser que ce voyage à travers l’épreuve sentimentale a disparu avec les livres de Kundera et son parti-pris d’opposer le « libertin » au « romantique », sous-entendez intelligence distanciée contre sentimentalisme mièvre. La question centrale du kitsch, passée au feu de l’ironie chez Kundera, est traitée par Barthes comme une solitude, une déréliction, le propre de l’amoureux perdu. L’amoureux transi qui « adhère », n’a pas de distance avec la douleur, a envie de pleurer, etc. fait rire les gens « libérés ». L’amoureux est définitivement kitsch, il vit dans le pathos, ses petites tragédies le rendent ridicule. Barthes avait coutume de dire: « Nous deux est plus obscène que Sade », ce que confirmera n’importe quel habitué des telenovela brésiliennes… Remarque beaucoup plus intéressante que les poussives confrontations de l’auteur de la Plaisanterie, une des grandes victimes littéraires du communisme, emporté avec l’obsolescence de ce dernier.
Illustration: « Honey, I’m home… », photographie de Andrei Popescu
KITSCH ET SANS PITIE
Nous deux est obscène
Comme un souffle de diamant
Porté par le vent des tempêtes pourpres
Nous deux est le tranchant du laser
Quand il décapite les vanités
Sans faire une seule tache de sang
Nous deux est un baiser onctueux
Entre une braise de corail
Et la glace du feu
Nous deux sourit sans cesse
Au couteau ou à la hache
Des vers au bout de la langue
Pour incendier les alentours
Où les pompiers sont puérils
Qui pleurent leur incendie raté
Quand ils croient en médire
Autant assumer le kitsch…C’est d’ailleurs l’espoir du « Meilleur des Mondes ».
Kundera est habillé pour l’hiver ! Pourtant j’ai aimé ses livres, alors que faire ?
Le relire, avec un regard moins « circonstanciel »… 😉