« Dieu est avec ceux qui ne pensent pas ». Cette phrase énigmatique (l’absence de pensée permet-elle d’accéder à un niveau plus élevé d’existence, d’harmonie?) prononcée par Robert Walser ne pouvait être prononcée que par celui qui incarnait ce qu’un commentateur avisé a appelé le « beau malheur », mots délicats pour décrire une façon de vivre ou, plutôt, de disparaître. L’étrange écrivain-promeneur de l’Appenzell voulait être comme tout un chacun, alors qu’en réalité, il ne pouvait être comme personne; ne souhaitant pas être quelqu’un cela rendait encore plus difficile son désir d’être comme tout le monde. D’où sa volonté d’écrire avec une absence d’intention absolue et extrême. Ecrire pour s’absenter. S’absenter c’est-à-dire se libérer de la conscience, de Dieu, de la pensée, et de soi-même. Un joyeux glissement vers le silence, une éthique du désespoir résumée par ce proverbe suisse que Robert Walser avait vu en compagnie de son biographe Carl Seelig sur le mur d’une maison jouxtant un pré à Oberbüren:

Le malheur et le bonheur
Supporte-les
Car tous les deux passeront
Comme toi

  1. oceania says:

    Impression en regardant la photo, que la silhouette de Robert Walser est en surexposition, comme rajoutée à un tableau, « La route d’Uzès », de Nicolas de Staël.
    Deux êtres, l’un écrit pour s’absenter, l’autre peint jusqu’au vertige , tous deux animés d’une éthique du désespoir.

  2. Danalia says:

    J’aime bien « écrire pour s’absenter »… Tout le contraire de ce que l’on fait habituellement (enfin, il me semble). En ce qui me concerne, je dirais : écrire pour survivre, en allant chercher tout au fond de ma conscience ce que je sais mais qui ne m’a jamais été dit, expliqué. Peut-être, justement, la connaissance d’un monde qui peut paraître absurde et si cruel… Disons plus modestement : un début de commencement de connaissance…

  3. gmc says:

    la phrase de walser est on ne peut plus juste et claire.
    il suffit d’une expérience de 5 minutes pour s’en apercevoir (le seul frein est la peur…et ses dérivés): essayez d’arrêter de penser 5 minutes consécutives et concluez, rien de plus (c’est vous dire comme c’est simple, en fait)

    STATUAIRE

    Le tailleur de pierre
    Dispose d’un marteau et d’un burin
    Pour ciseler les langages
    De la pierre
    Burin et marteau
    Sont des outils frigides et vains
    Dont jamais ne sortira seul
    Le geste de la beauté
    La touche de l’harmonie
    Le solstice du velours

  4. Pingback:Scholarships for Hispanics

Laisser un commentaire

Patrick Corneau