casitasgeo.1189716120.jpg« Être un vieux réac » (ou « un néo-réac »), il est entendu que l’on appelle ainsi, de plus en plus communément, les gens qui ne trouvent pas cette époque exaltante et positive (ce qui ne les empêche pas de se passionner pour elle). Qui expriment la conviction d’un basculement de civilisation que personne n’est capable d’expliquer (sauf l’inénarrable Michel Serres), mais qui a franchement des allures de désastre. Il se passe quelque chose dans ce monde qu’on n’arrive pas approuver, qui provoque même, entre deux sarcasmes, ces sanglots secs qu’on sent monter en soi. Crainte qui semble ne pas âtre infondée puisqu’elle est partagée par un certain nombre de bons esprits…
Le pénible, il est vrai, c’est la vaine description du péril, le disque rayé de la déploration impuissante (le pessimisme nihiliste n’est pas moins « bête » que l’optimisme béat). Se retrouver à côté de ceux qui n’aiment pas l’internet* (« la consultation remplace la lecture », « l’information supplante les œuvres », « les blogs, c’est du nul plus du nul »), qui condamnent les chats (« tchat ») et l’écriture SMS. On est bien avancé quand on a récité son couplet sur la barbarie des T-shirts et baskets, des débardeurs moulant et nombrils sur string. Comme dit qui vous savez: What else?
La société doit-elle s’abandonner sans réticences à ses démons?
Et si les vrais démons était ailleurs, car le Mal est légion… Dans ce dans quoi l’Europe se jette tête baissée: une société sans mémoire, sans conscience, livrée aux déités complémentaires et contradictoires de la consommation généralisée et de la réglementation compulsive (car plus le monde devient fou, violent et surpeuplé, plus il faut le contenir, le réprimer, le sécuriser).

Parquez le troupeau entre des zones commerciales et des parcs de loisirs. Assurez-vous qu’il y a des plans inclinés pour les poussettes à trois roues. Arrosez le tout de divertissements télévisés. Servez tiède. Si difficultés, prévoyez des cellules psychologiques.
Elle est pas belle la vie?

* Voir le billet de Pierre Assouline: « Les “inepties” de l’Internet dénoncées au Nobel » (http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/).

Illustration: photographie d’un quartier résidentiel de Mexico, anonyme.

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Patrick Corneau