Selon un conseiller du président Sarkozy: « La réalité n’a aucune importance, il n’y a que la perception qui compte* ».
Qui aurait pu penser que l’entourage du plus « m’as-tu vu » de nos présidents retrouverait un des principes de ce qui a été appelé « idéalisme subjectif » et dont l’anticipation est attribuée à l’évêque George Berkeley (1685-1753)?
La théorie de ce philosophe irlandais de la famille des empiristes est résumée par le fameux dicton: Esse est percipi aut percipere (« être c’est être perçu ou percevoir »). En d’autres termes, nous ne parlons des choses qu’autant qu’elles ont du rapport à notre esprit; il n’y a donc pas de matière: quand on dit que la matière existe en dehors de soi, on commet un abus de langage. Nous ne percevons que des idées, et nous ne pouvons rien concevoir hormis elles. On ne peut donc par aucun moyen affirmer l’existence du monde extérieur. Celui-ci n’est cependant pas illusoire: son existence, en tant que phénomène est réel, mais il n’a pas de substance, en ce sens qu’il n’existe pas en soi… Alors que reste-t-il? De la perception! Nous ne connaissons du monde que ce que notre conscience peut en dire parce que ça lui apparaît – et pas plus. D’ailleurs les amis du Président sont tous des phénoménologues patentés, c’est-à-dire (pardon pour le didactisme) des experts en phénoménologie, la « science de ce qui apparaît à la conscience »: peu leur chaut que la réalité existe ou n’existe pas et ce qu’elle est dans son essence même. En revanche, ce qui les préoccupe c’est le processus fort complexe d’appréhension de quelque chose (dont l’existence est indifférente), d’en maximiser le fonctionnement et les performances, par exemple en « vendant du temps de cerveau humain disponible ». Tiens, ça vous rappelle quelque chose?**
Voici donc une approche du sarkosysme que vous ne soupçonniez pas: un dialogue pur, direct et sans fin entre les consciences (celles du Président, ses hommes et la vôtre) qu’aucune basse et vaine réalité n’importune jamais…

* cité dans L’aube le soir ou la nuit de Yasmina Reza (éditions Flammarion).
** Patrick Le Lay, PDG de TF1, Les dirigeants face au changement, Editions du Huitième jour, 2004.

Illustration: photographie © Sarkostique Blog.

 

  1. Cécile says:

    Voilà un des bons côtés de la rentrée, le retour du Lorgon Mélancolique 🙂
    NB : cette note est tout à fait savoureuse !

  2. « Nous ne connaissons du monde que ce que notre conscience peut en dire… »
    passer par l’étamine…le crible de notre entendement. Question de petits trous, plus ou moins gros selon chacun d’entre nous…des petits trous, des petits trous, des petits trous…

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Patrick Corneau