Leopardi disait que la lecture ne nous révèle jamais rien que nous n’ayons déjà en nous, mais « facilite le chemin ».
Les livres sont des voies multiples qui mènent vers le même lieu, ils nous indiquent la juste orientation de l’esprit à travers un long chemin qui recueille dans ses spirales les petits mystères cruels et les joies inattendues qui jalonnent nos vies. Les textes qui aident à vivre sont ceux dans lesquels on se reconnaît par anticipation, dans lesquels on découvre de soi ce qui n’était pas encore tout à fait formé. Mais aussi ce Genius des Romains, personnalisation de ce qui en nous nous dépasse, est plus puissant, plus ancien et plus durable que nous et que la lecture révèle. « Nos » auteurs sont ceux qui, même disséminés, dans des étendues illimitées d’espace et de temps appartiennent à notre vrai pays. Celui-ci peut se resserrer dans cinq ou six livres, « ceux qu’on emporterait sur une île déserte ». La difficulté étant que pour arriver à cette bibliothèque idéale, il aura fallu en épuiser des dizaines…
Illustration: « Reading Room Darkened », photographie de Bill Mertens