Dans le grand jeu de la vie, on ne se soustrait à rien et on est redevable ou coupable de tout, chacun à sa façon. Alors parfois nous gagne la grande fatigue et dans le cœur une sorte de flétrissure. Nous aspirons à quelque chose que je pourrais appeler « le désir de la Simplification » (1). En un instant, suivant un fil qui se déroule à une vitesse vertigineuse, nous comprenons que nous sommes là à cause d’un processus qui s’appelle Complication. Pendant des siècles, des millénaires, des millions d’années, celle-ci a condensé, strate par strate, des circuits toujours plus ramifiés, des systèmes de plus en plus complexes et davantage enchevêtrés, jusqu’à ce nœud que nous sommes à présent et ce trouble que nous sommes en train de vivre. D’où la grande, l’irrépressible nostalgie de la Simplification. Comme si l’on pouvait effacer en un rien de temps ces millions d’années, nous imaginons ce que nous fûmes, nos organismes revenus à un état microscopique et mononucléaire, sans sexe, sans histoire et sans pensée, mais avec toutefois une lueur de conscience qui nous permettrait de savoir que nous sommes là, sur le rebord d’une feuille de ginkgo en train d’absorber des gouttes de rosée, sans autre but que d’être là.

(1) Le radicalisme sous ses multiples avatars (religieux, écologique, politique…) est une manifestation dévoyée de ce désir.

 

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Patrick Corneau