Patrick Corneau

LIREL’apprentissage et le goût pour la lecture : l’ouverture de la mer Rouge.

« Le fait de lire de la littérature permet de développer une autre intelligence, qui tient de la perspicacité ou de la pénétration, du flair, comme chez un bon chien ou un renard. Une sorte de sixième sens que j’appelle la lettrure, qui se forge au contact des livres et qui permet de lever le nez du guidon.
Celui ou celle qui a de la lettrure est moins narcissique, plus distant, plus pervers, aussi, mais moins dupe de lui-même, et plus conscient du rôle crucial du hasard et de la grâce dans la vie. Il est donc plus apte à exploiter les atouts qu’il a dans son jeu, parce qu’il a observé les grands héros littéraires, Fabrice del Dongo ou Lucien Leuwen, qui sont de grands joueurs. Rien de plus utile pour se débrouiller dans une vie moderne où l’on sera appelé à constamment s’adapter. »
Antoine Compagnon, « La littérature, ça rapporte ! », propos recueillis par Christophe Ono-dit-Biot pour Le Point le 31/08/2024.

NE PAS LIRE – La rentrée littéraire 2024 ne déroge pas à la tradition : une avalanche de livres dont, paraît-il, une forte proportion de récits politiques (actualité oblige !) et historiques qui seront submergés par 459 romans dont 450 sont oubliables et à jeter dans la… baignoire comme le faisait Anatole France selon les dires de Jean-Jacques Brousson qui fut son secrétaire particulier et a rapporté dans Anatole France en pantoufles (réédité en 1994 chez L’Harmattan) comment le “grantécrivain” se débarrassait des livres inutiles :
« Il montre, avec dégoût, le courrier étalé sur l’édredon. Entre deux bouchées, il fourrage les lettres, les brochures, les journaux, les livres. La revue est bientôt faite.
Á la baignoire ! Á la baignoire ! crie-t-il, en jetant les livres à terre.
Et comme je m’étonne, il explique.
Là, à côté, est ma salle de bain. Il y a une baignoire, comme de juste, mais c’est une baignoire enchantée… Une baignoire-fée. Vous riez, petit malheureux ! Si je vous disais que cette baignoire est plus grande que la salle de bain, vous ne le croiriez pas, et pourtant c’est la vérité. Ah ! cette salle de bain n’est pas l’œuvre d’un architecte ordinaire ! Celui qui en dressa les plans, avait un génie non commun. Sous couleur d’économiser la place, il a réalisé ce chef-d’œuvre : une salle de bain, tout à fait coquette et pratique, mais une salle de bain où il est impossible de se baigner. Alors, mon ami, comme tout finit par servir à quelque chose, la baignoire, où je ne puis entrer, sert à recevoir les livres dont on m’accable. Quand elle est pleine, un bouquiniste vient qui la vide. C’est un prix fait. Quels que soient les auteurs, — vers, prose. — c’est cinquante francs la baignoire. 
Quand il vint pour la première fois, au moment de conclure le marché, je tremblais un peu. Cinquante francs, pensais-je, ce n’est vraiment pas cher pour emporter ce pesant amas de sottises. Il eût pu m’en demander cent. Mais je fus bien ébahi quand je le vis tirer de sa poche le billet : c’est moi qui croyais lui devoir quelque chose. »

Malheureusement, la baignoire qui trônait dans notre vaste salle de bain (pour un appartement parisien) a été remplacée par une cabine de douche “à l’italienne” ce qui me prive de la possibilité de ce judicieux procédé…

LIRE et CRITIQUER« Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique ; on se laisse tellement influencer. » Oscar Wilde.
IMPARABLE !

Illustrations : (en médaillon) Photographie (détail) de Patrick Corneau plongé dans un ouvrage de la collection Marabout Junior (Le lieutenant John Kennedy de Michel Duino) à Royan l’été 1964 – dans le billet : images créées par ChatGPT – Photographie ©Papeterie Gallimard.

Prochain billet bientôt se Deus quiser.

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Patrick Corneau