1434985471110ferli1J’ai, dans mon dernier billet, signalé le petit livre de Claude Habib et la pertinence de son regard sur l’humanité (et sa gent animale) vue à travers les pupilles d’un chat. Je ne résiste pas à donner un extrait du chapitre noblement intitulé « La place de l’homme dans l’univers »:

« Qu’est-ce que je disais? Ah, oui, les hommes, d’accord pour leur voter les circonstances atténuantes. Tout à fait d’accord. Une espèce centrale. D’un côté, les proies, de l’autre les prédateurs, avec au milieu, le bataillon des omnivores, un peu de ci, un peu de ça, je te grappille quelques baies, je t’estourbis deux trois rongeurs. C’est fait sans art, mais il faut vivre. On se défend, on joue des coudes, chasseurs-cueilleurs. Ils ne sont pas les seuls, d’ailleurs, voyez les ours, voyez les chiens.
Voyez les porcs.
Toutes créatures de querelle et d’inquiétude.

(…) Les omnivores, les pauvres, ils étaient mal servis. Alors ils ont développé chacun leur avantage, la force pour les ours, la course pour les chiens – il faut reconnaître que le chien tient la distance, même s’il court de manière bestiale. D’ailleurs il fait tout de manière bestiale. Le chien galope bruyamment, c’est une horreur, la langue à moitié dehors. Il faudrait les rééduquer, ouvrir des centres. Mais qui cherche la perfection? Chacun pousse sa race, point. Le résultat n’est pas joli. Il y a ceux qui cognent, il y a ceux qui mordent. Ceux qui chargent, comme les porcs. Enfin, il y a ceux qui trichent: ce sont les singes et les hommes.

(…) Les hommes disent que les chiens sont intelligents. Intelligents pour courir après les bâtons, c’est sûr. Il y a chez le chien un défaut qui me déplaît, et qui se retrouve chez tous les animaux de meute: ils comptent les uns sur les autres. Résultat, ce qu’ils entreprennent est à moitié fait. Le chien bâcle, c’est ainsi. Et servile, avec ça, que c’en est écœurant. Il leur faut un chef, des mains à lécher. Par exemple, chaque fois qu’ils mangent, ils ont besoin de remercier. Un genre de rot. Il ne faut pas avoir le nez fin pour supporter la gratitude d’un chien. Mais ils sont faits pour se comprendre, les hommes et les chiens: même imperfection, même inquiétude. Ils leur apprennent des tours, ils les dressent. Seigneur… Ils font danser même les ours.
Nous les chats, nous ne faisons rien.
Nous ne cognons pas, nous ne chargeons pas. Nous ne posons jamais de pièges.
Simplement, quand la proie paraît – et le monde s’arrête lorsque la proie paraît -, nous tuons. Et c’est un rêve. »
Nous les chats… de Claude Habib, Éditions de Fallois, 2015.

Illustration: « House » alias « Boubou-la-socquette », photographie©Lelorgnonmélancolique.

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Patrick Corneau