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La Parisienne telle que la voyait le regretté Pierre Sansot dans La beauté m’insupporte (chapitre « La belle indifférente »):

« La Parisienne (et c’est une chimère qui ne suppose pas quelque enracinement géographique) véhicule une essence que le cours du temps ne saurait entamer. Seules les essences ont le pouvoir de résister à l’usure de l’histoire. On n’enlace pas, on ne caresse pas une essence. Si occupée à saisir au vol son reflet, l’élégante acceptera-t-elle de se détacher d’une aussi belle image au profit de quelques passants, de mortels qui ne sont plus ses semblables? Qu’ils admirent et même à la rigueur qu’ils se retournent, mais qu’ils ne la poursuivent pas! Que de leurs regards ils ne la touchent pas, que très vite ils s’effacent au profit d’autres regards respectueux. Elle va si vite qu’il serait impossible de s’attarder auprès d’elle -et qui oserait attenter à une liberté aussi souveraine?
L’indifférence n’est pas chez elle une marque d’égoïsme mais un choix esthétique: ne pas se compromettre avec le sang, les larmes, les attendrissements, la moiteur de la chair, ne pas s’attacher, car tout attachement nous enracine à la terre. Elle va vite et devient une silhouette: ce qui la distingue, c’est son allure, bref, un attribut fort peu matériel. Si elle nouait une relation « solide » (le contraire du « céleste », du « léger »), elle en porterait les stigmates, elle s’engluerait dans une histoire, fût-elle charmante. Il serait injuste de la qualifier de frigide.
De sa démarche dégagée et rapide, elle va toujours quelque part, vers un lieu qui n’est pas une escale et qui sans doute n’existe pas. N’espérez pas qu’elle trouvera chez vous un refuge: ne cherchent un refuge que les êtres malmenés par la vie – une vie dont elle a eu la sagesse de s’absenter.
Une certaine façon épurée de plaire ne constitue pas un préalable à la séduction et nous en rend même l’idée inconvenante. »

Illustration:  « La Parisienne d’aujourd’hui » © www.lemoluvi.fr

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Patrick Corneau