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L’écrivain de la mélancolie heureuse

NN-Gyula-KrúdyCe livre précieux entre tous, je l’ai lu, relu, et j’ai pensé que Krúdy était l’écrivain de la mélancolie heureuse. C’est très rare, un écrivain qui écrit pour le bonheur et non son contraire, dame Tristesse.
Michel Crépu, La Revue Des Deux Mondes, avril 2014.

Récit autobiographique de la nostalgie heureuse de l’enfance et de la jeunesse, N. N. est le livre par lequel on a découvert Krúdy en France en 1985. Admirablement traduit par Ibolya Virâg ce roman au charme puissant fascine par sa langue magique, musicale, ses métaphores, ses descriptions de paysage comme reflets de l’âme humaine et son regard tantôt tendre tantôt amusé et sans concession sur l’homme. Chez Krúdy ce n’est jamais l’histoire qui compte mais « l’ensemble », ses ambiances mélancoliques et oniriques et la musique enchanteresse de sa prose qui évoque celle du violoncelle.

« Je songeais à elle comme si toute la nuit une voix m’avait murmuré une fable dont elle était l’héroïne, voix dans laquelle il y avait toute mon enfance et ma jeunesse, la flamme du fagot, le craquement de l’érable bien-aimé, les veillées, le recueillement des remises et des jardins d’automne, le réveil chuchotant de la cave et le silence à la voix de verre de l’hiver profond. »

Enfant naturel (nomen nescio auquel fait allusion le titre) d’un avocat issu de la petite noblesse et d’une servante – ses parents n’ont pu se marier qu’après leur septième enfant -, Gyula Krúdy (1878-1933), considéré comme l’un des plus grands écrivains hongrois, est né à Nyíregyháza. À Budapest, il a suscité par son apparence seule une foison de légendes: celle du « Prince de la Nuit », du joueur, du séducteur… Il a écrit néanmoins plus de quatre-vingt-six romans et des milliers de nouvelles. À l’encre mauve, seize pages chaque jour, qu’il ne corrigeait jamais. Krúdy a collaboré à la plupart des grands journaux et revues de son époque dont le Nyugat.
Il a été l’écrivain favori du psychanalyste Sándor Ferenczi et de Sándor Márai qui a relu N. N. tout au long de sa vie. Plus récemment, Imre Kertész, le prix Nobel hongrois, lui a consacré de magnifiques pages.

Illustration: Editions de La Baconnière.

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Patrick Corneau