J’avais salué ici l’élégante version par Dick Hyman et Heather Masse de Since I Fell For You, ce standard un peu sirupeux de Buddy Johnson popularisé et magnifié par la grande Nina Simone. Le hasard des sorties d’albums jazz m’a fait récemment découvrir une version absolument bouleversante donnée en 1987 par Shirley Horn – sans aucun doute une des plus grandes chanteuses de l’histoire du jazz à mettre au même rang que Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald. Interprète s’accompagnant d’un jeu de piano d’une rare subtilité dans la suggestion ou le commentaire des sentiments qu’évoquent les paroles. Toute l’amertume de l’amour déçu s’exprime ici avec une infinie noblesse comme dans l’andante d’un concerto de Mozart.En temps ordinaire, telle une machine à laver, nous nous activons, nous avons des choses à faire. Mais, au fond, nous ne connaissons pas plus nos vies que la machine à laver ne connaît son linge. Parfois, pourtant, grâce à de rares artistes nous oublions le linge, nous ne sommes plus un lave-linge, mais des dieux vivants. Lorsque j’écoute Shirley Horn, c’est exactement ce que je ressens.

When you just give love
And never get love
You’d better let love depart
I know it’s so, and yet I know
I can’t get you out of my heart

You made me leave my happy home
You took my love and now you’re gone
Since I fell for you

Love brings such misery and pain
I guess I’ll never be the same
Since I fell for you

Well, it’s too bad
And it’s too sad
But I’m in love with you
You love me, then you snub me
But what can I do?
I’m so in love with you

I guess I’ll never see the light
I get the blues most every night
Since I fell for you
Since I fell for you…

Illustration sonore: Since I Fell For You (Buddy Johnson), Shirley Horn (p, v), Charles Ables (eb), Steve Williams (d), octobre 1987, Mapleshade Studio, Glenn Dale, MD, Label Audiophile.

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Patrick Corneau