« Il y a la belle-sœur d’une de mes amies qui a le téléphone posé chez elle! Elle peut faire une commande à un fournisseur sans sortir de son appartement! […] Cela [utiliser l’appareil] me tente beaucoup, mais plutôt chez une amie que chez moi. Il me semble que je n’aimerais pas avoir le téléphone à domicile. Le premier amusement passé, cela doit être un vrai casse-tête.« À la recherche du temps perdu, Gallimard, « Bibliothèque de La Pléiade, 1954, t. 1.
C’est le propos tenu par Mme Cottard, femme du docteur, chez Mme Swann, avec ses amies du clan Verdurin.
Inventé en 1876, le téléphone commença à être commercialisé vers la fin des années 1870. Proust avait à peine dix ans. Dans Du côté du chez Swann publié en 1913, l’appareil ne figure pas. La première apparition du mot téléphone se trouve dans le volume des Jeunes filles en fleurs publié en 1919.
Dans le Vocabulaire de Proust (Slatkine, Genève, 1983), Étienne Brunet recense trente-six occurrences du mot téléphone(s).
Dans La recherche le Narrateur prend un vif intérêt à la fonction du téléphone où « la parole humaine, changée en électricité, se refait parole pour être entendue ». Au téléphone, l’ouïe se passe de la vue, alors qu’en photo, la vue elle, se passe de l’ouïe. Le Narrateur, en entendant seulement la voix d’Albertine qu’il ne pouvait voir, se figurait même une sorte de Skype actuel qu’il appelle: photo-téléphone.
« […] sa voix était comme celle que réalisera, dit-on, le photo-téléphone de l’avenir: dans le son se découpait nettement l’image visuelle. » « A l’ombre des jeunes filles en fleurs », p. 930.
Signalons que Proust lorsqu’il ne pourra plus aller dans le monde en raison de sa santé devint un adepte du « Théâtrophone », un appareil qui lui permettait de suivre les spectacles depuis son domicile.
Selon Proust, le génie « vient moins d’éléments intellectuels et d’affinement social supérieurs à ceux d’autrui, que de la faculté de les transformer, de les transposer. » Le téléphone est donc un génie et Proust aussi par sa faculté d’en anticiper les fantastiques pouvoirs…
[Ces informations proviennent de l’excellent blog Philologie d’Orient et d’Occident bien qu’on les retrouve sans mention de leur origine dans le Dictionnaire amoureux de Marcel Proust (Plon/Grasset) des Enthoven Père & Fils…]
Illustration: Photomontage de Clémentine Mélois.
Cher Monsieur Lorgnon Mélancolique,
Je suis auteur du blog Philologie d’Orient et d’Occident. Hier, j’ai appris par hasard dans votre blog du 13/10/2013 que mon pauvre billet du 01/02/2011 intitulé «Proust et le téléphone» avait servi à constituer un petit chaînon du Dictionnaire amoureux de Marcel Proust (Plon/Grasset, août, 2013) de Raphaël Enthoven. Je viens de commander son livre. Mais il ne m’arrivera qu’au début juin 2014. Je suis bien curieux de savoir dans quelle partie il s’en est servi. Je vous serais bien obligé de bien vouloir me m’en mettre au courant. Merci, d’avance. Susumu Kudo, Tokyo